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Éditorial

Derrière l’accord du Centre Pompidou en Chine

Diplomatie culturelle

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 14 novembre 2019 - 394 mots

SHANGHAI / CHINE

Ne boudons pas notre plaisir. Il vaut mieux que ce soit un musée français qui mette un pied à Shanghaï plutôt que la Tate Modern de Londres ou le MoMA de New York.

Et l’on peut saluer le volontarisme du président Macron et des équipes du Centre Pompidou pour avoir su relancer et mener à bien un projet jadis impulsé par Bruno Racine. Les bénéfices d’un tel partenariat sont nombreux : ce sont des recettes supplémentaires et un gain en notoriété pour l’établissement public, ainsi qu’un vecteur d’influence non négligeable pour la France.

Cependant, à y regarder de plus près, la concurrence dans ce domaine est moins redoutable que, par exemple, dans le secteur automobile. Très peu de pays ont des musées nationaux riches en collections d’art moderne et contemporain. Et, vu les relations actuelles entre la Chine et les États-Unis, il va s’écouler de longues années avant que la Chine ne s’éveille aux musées américains, ou britanniques eu égard aux parentés idéologiques entre le Royaume-Uni et son ancienne colonie. Seule la Russie pourrait prétendre à de tels accords – le Musée de l’Ermitage possède une antenne à Amsterdam –, mais ses collections du XXIe siècle sont limitées.

Ce n’est pas non plus une antenne du Centre Pompidou, comme on le lit ici et là. Le Centre loue son nom et surtout ses œuvres et ses expositions au West Bund Museum, qui d’ailleurs garde son nom, le lieu s’appelle « Centre Pompidou x West Bund Museum » (admirez le « x » de liaison). L’accord ne dure que cinq ans (renouvelable), le bâtiment a été construit par un Britannique (c’était avant le refroidissement), et le propriétaire et le management sont chinois : on est donc loin de l’ampleur du Louvre Abu Dhabi.

Mais, comme à Abou Dhabi, les questions de censure et d’autocensure se posent. Serge Lasvignes, le président du Centre Pompidou, a admis qu’il y avait eu beaucoup de discussions avec nos « amis » chinois sur le choix des œuvres des trois premières expositions – au final cinq tableaux ont été retoqués.

Reste la question de fond, comme pour Abou Dhabi, celle de la caution à l’égard d’un régime quasi dictatorial et protectionniste qui cache de moins en moins ses volontés impérialistes. Un tel partenariat a-t-il la moindre chance de faire avancer la démocratie en Chine ? La montée en puissance actuelle des pouvoirs autoritaires n’incite pas à l’optimisme.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°533 du 15 novembre 2019, avec le titre suivant : Derrière l’accord du Centre Pompidou en Chine

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