Le théâtre au fil des siècles

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 28 octobre 2009 - 793 mots

L’histoire du théâtre est complexe et connaît bien des bouleversements au fil des siècles. Miroirs du temps, le théâtre et ses codes épousent étroitement leur époque.

Le théâtre trouve son origine en Grèce antique, sur la terre battue de l’orchestra circulaire où le chœur chante le dithyrambe en l’honneur de Dionysos. Centre de la vie culturelle, il participe de la cérémonie religieuse et garde longtemps son empreinte sacrée. Les acteurs s’avancent sur scène, masqués du rictus de la tragédie ou de la comédie. Chez les Romains, odéons, amphithéâtres présentent concerts et spectacles joués par des acteurs esclaves. Le rideau frémit déjà sur la scène et un velum fait office de toit.
Le théâtre médiéval oscille durant mille ans entre sacré et profane. Il apporte d’abord les représentations des mystères, sortes de drames religieux, et les jongleurs, gesticulateurs, poètes chantant aux parvis des églises sur des tréteaux dressés face au public. Plus tard, les farces satiriques nées de la censure se développent en n’épargnant personne, pas même l’Église. Au XVe siècle, les mystères sont interdits, seules les pièces profanes peuvent être créées. Le sacré a fait long feu.

L’Angleterre et la France, deux visions opposées du théâtre
C’est dans l’Angleterre du XVIe siècle que le théâtre connaît ses avancées les plus radicales. Sous l’impulsion d’Élisabeth Ire et par l’audace de quelques auteurs, il se fait imaginatif, irrespectueux, impudique et bouscule les conventions établies depuis des lustres, il devient… presque libre. Les troupes se développent avec l’émergence des comédiens professionnels  ; les théâtres privés apparaissent, drainant un public plus choisi, plus lettré, dont les attentes sont désormais prises en compte. Il connaît des mutations architecturales. Scène et salle s’interpénètrent.
Shakespeare, principal représentant du théâtre élisabéthain, inspire pour une grande part le renouveau de cet art. Il marque de son empreinte toute les formes de théâtre, explore tous les genres. Il interroge sur l’identité, la folie, le pouvoir, la culpabilité, il peint toutes les passions. Son œuvre est intense et diverse. Son audace, sa modernité, sa forme poétique, son intensité dramatique confèrent au théâtre son rôle historique. Las  ! Le retour au puritanisme lui porte un coup fatal : les théâtres ferment. Le rideau tombe.
Alors que le répertoire anglais est proche de la vie, en France, le modèle gréco-romain refait surface. Le théâtre classique s’impose avec Corneille, Molière et Racine. Pour toucher le public et l’édifier, les auteurs édictent la règle des trois unités et l’utilisation des vers en tragédie et comédie. Au nom de la bienséance, les comédiens sont tenus d’expirer en coulisse.

Le tournant du Siècle des lumières
Le Siècle des lumières se débride, l’aristocratie et la bourgeoisie s’amusent. Elles font des jeux de rôle, montent des pièces de théâtre, vont au concert. On y joue à voir et être vu. Petits et grands théâtres fleurissent. Les comédiens sont adulés. Les spectateurs s’évanouissent. Le droit d’auteur devient droit de l’homme. « La scène d’illusion » consacre quasi définitivement la séparation totale de la scène et de la salle.
Au XIXe siècle, le démon du théâtre atteint toutes les couches sociales. Les sources d’inspiration gréco-romaines sont mises à mal. Le romantisme balaie l’Europe. Désormais, inspiration, expression, émotion sont les maîtres mots de l’esthétique théâtrale.

Peinture et théâtre : l'illusion partagée
Le musée Cantini, méconnaissable, s’est vidé de ses collections – installées pour la circonstance à la Vieille-Charité – pour recevoir l’exposition marseillaise de la rentrée. « De la scène au tableau » analyse l’importance des relations entre le théâtre et la peinture durant les xviiie et xixe siècles. Elle réunit près de deux cents œuvres prêtées par les institutions internationales dont quelques chefs-d’œuvre du musée d’Orsay.

Un parcours chronologique
Dans une ambiance feutrée de théâtre, le parcours chronologique balaie les grandes étapes artistiques. Le néoclassicisme davidien ouvre le ban avec La Douleur d’Andromaque (1783), tragique, monumentale, parfaitement mise en exergue. Le romantisme nous vaut cette œuvre captivante de Delaroche : Les Enfants d’Édouard (1831), tandis que les mélodrames de Cabanel frisent le fait divers. Au premier étage, la visite se poursuit sous le signe des tragédies shakespeariennes avec le célèbre tableau de Füssli La Malédiction de Cordelia ou la Lady Macbeth somnambule de Delacroix totalement hallucinée (1850). L’onirique lavis de Blake Richard III et les fantômes (1806) semble, lui, perdu parmi ses noirs congénères. Plus haut, le symbolisme de Moreau pose, avec une Salomé dansant (1874) trop scénique, la question de la théâtralité, la plus archétypale étant sans conteste la flamboyante Ellen Terry en lady Macbeth de Sargent s’autocélébrant. Au dernier étage, le réalisme de Degas se joue de l’illusion scénique avec L’Orchestre de l’Opéra (1870) tandis qu’Appia et Craig la dématérialisent. Il s’agit là assurément d’un thème d’exposition singulier. La qualité et le choix des œuvres en adéquation avec l’idée lui donnent une belle cohérence.

Autour de l'exposition
Informations pratiques. « De la scène au tableau », jusqu’au 3 janvier 2010. Musée Cantini, Marseille. Tous les jours sauf le lundi, de 10 h à 17 h. Tarifs : 8 et 6 €. www.marseille.fr
Le musée Cantini à la Vieille Charité. Pendant la durée de l’exposition, une partie de la collection du musée est présentée à la Vieille Charité (quartier du Panier). En 1640, suite à l’édit royal sur « l’enfermement des pauvres et des mendiants », la Ville décide de la construction d’un lieu d’accueil pour les gueux. 30 ans plus tard, Pierre Puget, architecte du roi, entame une de ses plus belles réalisations. Dans les années 1940, Le Corbusier dénonce son abandon et, en 1961, commence sa restauration qui s’achèvera en 1986. Aujourd’hui, plusieurs structures culturelles dont des musées municipaux logent en ses bâtiments.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°618 du 1 novembre 2009, avec le titre suivant : Le théâtre au fil des siècles

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