Le film d’animation du Slovène Milorad Krstic compile les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art dans un thriller haletant.

En juin dernier, le Festival d’animation d’Annecy rendait hommage à la Hongrie. C’est à la dernière séance d’une journée ordinaire que l’on s’est laissé prendre dans les filets de Ruben Brandt, Collector. Il s’agit d’un film original de 2018, passé sous les radars des salles françaises (et discrètement rattrapé dans les filets de la plateforme Prime Video), unique long-métrage de Milorad Krstic (né en 1952), cinéaste et plasticien installé à Budapest.
Sans prévenir, dès ses premiers plans, le film saute à la gorge du spectateur. Nous suivons un escargot sur un rail de train. Puis, dans le compartiment, le héros, Ruben Brandt, est absorbé par la lecture d’un livre sur le subconscient quand apparaît à la fenêtre une fillette effrayée. Ruben se penche, tente de la sauver, mais voilà qu’elle se transforme en bête féroce qui mord le personnage jusqu’au sang. Dans la panique, on aura reconnu Marguerite, l’infante d’Espagne si souvent peinte par Diego Vélasquez.

Ruben Brandt, psychothérapeute, est hanté par des cauchemars terrifiants qui mettent en scène des tableaux célèbres. Quand il n’est pas étranglé par la chevelure de la Vénus de Sandro Botticelli, il est attaqué par le chat de l’Olympia d’Édouard Manet… Aucune méthode ne vient à bout de ces visions horrifiques jusqu’à ce que l’une de ses patientes trouve la solution. Mimi, voleuse compulsive, pille les musées car « la beauté ne devrait pas être enfermée ». Peut-être suffit-il de décrocher les toiles des galeries pour calmer les nuits du psy ? Avec ses complices, Mimi se lance à l’attaque des plus grandes institutions du monde. De Paris à Tokyo, de Venise à Rome, on glisse d’Edward Hopper à Pablo Picasso et d’Andy Warhol à Paul Gauguin.
Le film se présente ainsi lui-même comme un musée imaginaire, où chaque plan est emprunté à un tableau (ou aussi, parfois, à une image de cinéma). Le premier plaisir de Ruben Brandt, Collector tient tout simplement de l’accumulation. Le film file et l’on se sent comme le trio de Bande à part de Jean-Luc Godard (1964) qui cavalait à travers le Louvre pour visiter le musée en 9 minutes. Entre le film d’action et le thriller psychologique, Milorad Krstic livre aussi un plaidoyer pour une histoire de l’art viscérale. La collection de Ruben Brandt n’obéit à aucun ordre chronologique, ni à aucune thématique. Avec classe et malice, ce film nous place à l’opposé de la pensée sur l’art. Du côté de la pulsion.

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« Ruben Brandt, Collector » ou le musée imaginaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : "Ruben Brandt, Collector" ou le musée imaginaire





