Le cinéaste espagnol réunit Tilda Swinton et Julianne Moore autour du délicat sujet du suicide assisté. Des influences picturales ponctuent ce drame, Lion d’or à la dernière Mostra de Venise.
La Chambre d’à côté s’ouvre dans une librairie. Tandis qu’Ingrid dédicace son nouveau roman, une amie l’informe que Martha, dont elle fut très proche autrefois, est gravement malade. À l’hôpital, les deux femmes renouent des liens anciens. Un jour, Martha invite Ingrid à l’accompagner dans une maison à deux heures de Manhattan. C’est là-bas qu’elle compte terminer sa vie. Elle ne demande rien à Ingrid. Juste d’être présente, dans « la chambre d’à côté ».
Le premier film américain de Pedro Almodóvar est imprégné de peinture américaine. Au début, dans une séquence d’incendie, le metteur en scène convoque le fascinant Christina’s World d’Andrew Wyeth (1948). Rarement l’impuissance de l’humain face à l’immensité n’a été représentée avec une telle force de désespoir : une silhouette féminine, à demi allongée sur l’herbe, fixant une maison dans le lointain. L’auteur de Tout sur ma mère s’attarde ensuite sur People in the sun d’Edward Hopper (1960) dont une reproduction s’affiche au mur de la dernière demeure de Martha. Elle représente cinq personnages, figés sur des chaises longues, face à un paysage de montagne. À la fin du film, Ingrid et Martha se retrouvent, elles aussi, sur des transats, in the sun et face à la mort.
Avant Pedro Almodóvar, Christina’s World avait été cité par Terrence Malick dans Les Moissons du ciel (1978) ou Robert Zemeckis dans Forrest Gump (1994). Wyeth a même inspiré Tobe Hooper pour son Massacre à la tronçonneuse (1974) ! Edward Hopper reste le peintre le plus important pour le cinéma américain. Il s’est notamment glissé chez Alfred Hitchcock, avec la maison de Psychose (1960) ou dans le premier plan des Tueurs de Robert Siodmak (1946) avec son fameux diner à la tombée de la nuit.
Almodóvar a essentiellement reconstitué son Amérique chez lui, en Espagne, au moment du tournage. C’est donc par l’artifice et l’art que le Madrilène s’est transporté aux États-Unis. La Chambre d’à côté nous dit que l’art est un moyen de locomotion. Peintures et films déplacent le regard vers des horizons lointains. Mais à travers ce grand voyage de la vie, les œuvres nous accompagnent aussi tout près, vers « la chambre d’à côté ».
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Pedro Almodóvar sous le soleil d’Edward Hopper
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°782 du 1 janvier 2025, avec le titre suivant : Pedro Almodóvar sous le soleil d’Edward Hopper