Monographie

Matégot, esprit libre et artiste protéiforme

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 31 décembre 2014 - 527 mots

Dans un ouvrage très documenté, les talents du designer hongrois se déploient dans une grande variété, bien au-delà de la maîtrise de la tôle perforée qui a fait sa renommée.

Une chaise colorée en tôle perforée, un fauteuil en rotin et des noms de destinations exotiques : voilà ce que le grand public a retenu du travail de Mathieu Matégot, figure majeure de la période féconde du design des années 1950. C’est à une redécouverte d’un artiste polyvalent, innovant tant par son jeu des matières et des formes, et libre de toute école ou courant, que Patrick Favardin nous convie. L’historien, galeriste et critique d’art s’attache ainsi à montrer les multiples facettes de l’artiste hongrois traditionnellement reconnu comme créateur de mobilier et d’objets. La mise en lumière de son œuvre de décorateur et de sa participation au renouveau de la tapisserie française est richement documentée et accompagnée par un ensemble de photos d’archives.

L’auteur nous emmène sur les pas du jeune Matégot, une période dont subsistent peu de traces : débarqué à Paris au début des années 1930, le Hongrois côtoie alors la bohème artistique de Montparnasse, crée ses premières pièces en fer forgé ou en rotin et découvre la tapisserie. Porté volontaire pour partir à la guerre et retenu prisonnier, il commence à utiliser des chutes de métal perforé, un épisode fondateur pour ce qui deviendra l’une de ses marques de fabrique. Dans un deuxième chapitre consacré au Matégot créateur, l’auteur décortique la création d’un véritable langage, tant à partir du « Rigitulle », tôle perforée déployée avec un savant système de plis, que du « Ferotin », alliance de rotin et de métal. Le lecteur découvre également la genèse de pièces phares – la chaise Nagasaki ou les ensembles Copacabana, Santiago et Kyoto – dont le créateur contrôlait à la fois la production et la diffusion.

Illustre décorateur des Trente Glorieuses
C’est en fin connaisseur des décorateurs de l’après-guerre, qui avaient déjà fait l’objet d’un ouvrage aux Éditions Norma, que Patrick Favardin aborde un troisième chapitre sur le Matégot décorateur, à travers sa présence à divers salons et ses commandes publiques ou privées. On trouve une multitude de documents sur les multiples salons des arts ménagers ou sur les décors de lieux emblématiques tels que le Drugstore Publicis ou les foyers bars de la Maison de la radio. Des commandes moins médiatisées, notamment celle du restaurant La Saladière, révèlent elles aussi l’originalité du talent de Matégot, créateur d’univers colorés, jouant tant sur l’ombre et la lumière que sur les notions d’intérieur/extérieur. La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à l’art de la tapisserie et à la participation du créateur au renouveau d’un genre tombé dans l’oubli, dans le sillage de Jean Lurçat. C’est à cette révolution technique et esthétique que Matégot se consacrera dès 1959, alors que ses univers colorés ne font plus recette.

L’ouvrage de Philippe Jousse et Caroline Mondineau consacré au créateur étant épuisé, il n’y avait aucune référence en librairie sur ce créateur phare des années 1950, une décennie pourtant fort en vogue. Cette monographie, révélant un esprit libre et polyvalent ne manquera pas d’être une autre source de référence sur le sujet.

Patrick Favardin, Mathieu Matégot, éditions Norma, 2014, 352 p., 320 ill., 65 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Matégot, esprit libre et artiste protéiforme

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