Livre

Martin Bethenod : « Picasso remplace le chien des "Ménines" de Velázquez par son teckel ! »

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 24 juin 2025 - 494 mots

Directeur de la collection Amigos Forever aux éditions Norma, Martin Bethenod présente ces biographies d’artistes au prisme des compagnons canins.

Comment est née l’idée de cette collection ?

C’est d’abord la littérature et, en particulier, les livres dans lesquels le narrateur est un chien (tel Flush de Virginia Woolf, la biographie fictive de la poétesse Elizabeth Barrett Browning vue par son cocker) qui m’ont inspiré cette idée de collection. Celle-ci pose un regard sur l’histoire de l’art moderne et contemporain à travers la question de la relation entre les artistes et leurs chiens. C’est un thème léger qui, traité sérieusement, peut donner lieu à des réflexions ou à des points de vue différents sur l’œuvre de ces artistes.

Il s’agit donc d’une relecture de l’histoire de l’art au prisme de la figure du chien davantage qu’un questionnement sur la figure animale à travers l’art…

Ces deux perspectives peuvent se croiser. Mais j’ai choisi volontairement le petit bout de la lorgnette, afin de partir de l’intime pour ouvrir sur des questions plus larges, philosophiques et anthropologiques, qui m’intéressent, et qui sont sous-jacentes, mais elles ne sont pas le sujet.

Pouvez-vous nous parler du premier opus, Picasso et ses chiens ?

À l’origine, il y a le petit livre du photographe David Douglas Duncan sur Lump, le teckel de Pablo Picasso. Or Picasso n’a pas eu qu’un chien, il en a eu une dizaine, et je me suis dit que l’on pourrait aller plus loin : établir une chronologie, regarder à quel moment de la création du peintre correspond tel ou tel chien, s’ils se retrouvent dans son œuvre. C’est l’historien de l’art Jean-Louis Andral, directeur du Musée Picasso d’Antibes, qui a effectué toutes les recherches. On voit par exemple, lorsque Picasso peint sa série de variations sur les Ménines de Diego Velázquez, en 1957, qu’il remplace le chien du tableau original par son teckel ! Dans le fameux Buffet de Vauvenargues (1959-1960), c’est son dalmatien qui apparaît. Jean-Louis Andral ose même une interprétation selon laquelle sa sculpture Tête de femme serait en fait celle de son lévrier afghan.

Dans le troisième ouvrage qui vient de paraître, consacré à Joan Mitchell et ses chiens, on comprend que ces derniers n’apparaissent pas dans son œuvre, mais qu’ils l’ont inspirée…

Oui, c’est en effet le paradoxe avec Joan Mitchell, peintre abstraite. Et pourtant, en effet, les chiens sont là : dans les titres, dans les dédicaces. Et ils sont présents d’une manière qui n’est pas illustrative mais plus profonde, plus allusive.

D’où est venu le titre de la collection Amigos Forever ?

De la dernière double page du livre de David Douglas Duncan sur Lump. À la façon des pierres tombales, elle met en regard les noms de Picasso et de son teckel avec leurs dates de naissance et de décès. Or ils sont morts la même année, en 1973. En dessous de cette date, David Douglas Duncan rajoute ces deux mots, comme une épitaphe : Amigos Forever.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°787 du 1 juillet 2025, avec le titre suivant : Les animaux dans l’art, un miroir de l’humanité

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