Mannequin, photographe et première femme correspondante de guerre, Lee Miller a tout d’une héroïne de cinéma. Sa vie est racontée dans le film de l’Américaine Ellen Kuras en salles le 9 octobre.
C’est l’une des grandes tendances du cinéma contemporain : édifier des statues. Une à une, de Winston Churchill à Freddie Mercury ou Marilyn Monroe, toutes les figures artistiques, sportives ou politiques ont droit à leur biopic. La photographe américaine Lee Miller s’ajoute aujourd’hui à cette galerie tandis qu’à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), la chapelle de la Victoire expose ses clichés de la libération en 1944. Lee Miller hante par ailleurs le Musée Baron-Martin de Gray (Haute-Saône), à l’occasion d’une exposition consacrée à Man Ray dont elle fut l’un des modèles. Lee Miller, un film d’Ellen Kuras, repose sur le principe usé de l’entretien. Un jeune homme rend visite à Lee Miller qui va lui raconter sa vie. Le scénario se concentre sur ses années de guerre et le trajet qui fera d’une ancienne mannequin américaine la correspondante du Vogue britannique sur le front français. Photographie vaguement sépia, énumération de célébrités, interprétation remarquable de Kate Winslet dans le rôle-titre, Lee Miller enchaîne sans grand tonus les passages obligés du genre. Reste une idée intéressante toutefois : le film choisit comme point d’orgue un cliché très particulier dans l’œuvre de Lee Miller. Le 30 avril 1945, après avoir photographié le camp de concentration de Dachau, elle arrive à Munich, dans l’appartement désert d’Adolf Hitler, accompagnée par le photographe de Life David Scherman. Épuisée, Miller pousse la porte de la salle de bains. Soudain, traversée par un éclair d’inspiration stupéfiant, elle fixe son cadre, règle sa lumière, arrange le décor, ôte ses vêtements et plonge dans la baignoire. Scherman n’a qu’à presser le déclencheur. Cette photo culte est-elle vraiment la plus forte de l’œuvre de Lee Miller ? Dans le vaste corpus des témoignages de guerre, elle ne ressemble à aucune autre. En se lavant de la boue de Dachau face à son propre objectif, Miller referme la guerre. Elle redevient modèle, quitte la captation du réel pour inventer une mise en scène qui la relie à ses racines surréalistes et à ce que les nazis qualifiaient d’« art dégénéré ». Le film ajoute à ce cliché un contexte, peut-être romancé, et cette ligne de dialogue : « Laisse mes nichons hors-champ, sinon on ne passera jamais la censure. » Si les pires combats étaient gagnés, les images restaient soumises au corset.
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"Lee Miller", le biopic et la baignoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°779 du 1 octobre 2024, avec le titre suivant : "Lee Miller", le biopic et la baignoire