Livre

Le bon mauvais bilan du ministre Malraux

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 17 décembre 2010 - 396 mots

ESSAI. « Malraux, c’est 500 000 voix », disait Pompidou. Son passé révolutionnaire, son charisme d’écrivain, son verbe grandiloquent et souvent incompréhensible lui ont valu d’être pendant dix ans le ministre de De Gaulle et le porte-parole du rayonnement culturel de la France.

Depuis, le ministre Malraux est devenu la référence de tous ses successeurs, le point de passage obligé de tout discours général sur l’art. Aussi la promesse d’un « bilan réel » de l’action du ministre, comme l’annonce Pierre Nora dans la préface du livre, éveille évidemment l’attention.

Son auteur, un universitaire spécialiste de science politique, décortique l’action de l’écrivain à qui on offre un nouveau ministère des Affaires culturelles « pour l’occuper ». À première vue, le bilan n’est pas fameux et ne justifie pas la réputation du ministre. Les Maisons de la culture (à ne pas confondre avec les MJC), les « cathédrales modernes » qui devaient mailler tout le territoire et accueillir le plus grand nombre, n’ont pas été plus de dix et sont devenues des lieux élitistes. Les gestes symboliques (les statues de Maillol aux Tuileries, le soutien d’une pièce de Jean Genet, etc.) sont éclipsés par le conflit de la Cinémathèque. Malraux est à l’initiative de grandes lois (sécurité sociale des artistes, restauration des monuments historiques, ravalement des immeubles parisiens, loi sur la dation, etc.), mais elles ont été portées par Matignon et Rivoli-Bercy. Car l’ouvrage développe ce que l’on pressentait : Malraux était loin d’être un administrateur. L’opérationnel l’ennuie, il s’entoure de collaborateurs inadaptés, il est incapable de réformer une administration inerte et incompétente. Attaché à son confort, il fuit les déplacements en province et déserte son bureau pour écrire. Bref, un ministère sans ministre. Selon l’auteur, ces dysfonctionnements datent du décès accidentel de ses deux fils en 1961 et culminent avec l’isolement en 1966 au château de Marly où il est soigné pour une grave dépression.

Reste que plus que tout autre ministère, celui de la Culture s’incarne dans une personnalité dont l’aura et les discours transcendent l’action, inspirent les acteurs et assurent le rayonnement culturel. À ce titre, Malraux est bien un modèle que seul Jack Lang a su égaler, le bilan en plus. Riche en informations précises et inédites, l’ouvrage souffre un peu d’une écriture heurtée en raison d’un recours excessif aux citations.

Charles-Louis Foulon, André Malraux, ministre de l’irrationnel, Gallimard, 500 p., 29 euros.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°631 du 1 janvier 2011, avec le titre suivant : Le bon mauvais bilan du ministre Malraux

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque