Fiscalité

Comparatif : la dation d’œuvre d’art en France et en Belgique

Par Alexandre Pintiaux · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2013 - 685 mots

Les deux pays disposent de mécanismes permettant de s’acquitter de différentes taxes par le transfert de propriété d’une œuvre d’art en faveur de l’État. Ceux-ci ne sont pas exactement similaires.

La France et la Belgique utilisent la dation en paiement depuis des dizaines d’années. Pour rappel, ce dispositif est un mécanisme juridique permettant au débiteur d’une dette de payer celle-ci en transférant la propriété d’un bien lui appartenant à son créancier, avec l’accord de ce dernier. Dans le cas de la dation d’œuvres d’art, le créancier est l’État, la dette est une dette fiscale et le débiteur est le propriétaire, par exemple un collectionneur ou les héritiers d’un artiste. Le mécanisme a été créé en France dès 1968 par la loi dite « Malraux », et en 1985 en Belgique. Les raisons qui ont incité les deux pays à agir de la sorte sont les mêmes. Le dispositif de la dation permet à l’État de conserver et de préserver des œuvres d’intérêt artistique, technique et/ou culturel sur son territoire au sein de ces institutions spécialisées que sont les musées. Le propriétaire de l’œuvre n’a pas à vendre son bien sur le marché de l’art pour s’acquitter de sa dette fiscale, ce qui aurait été le cas s’il manquait temporairement de liquidités pour payer la taxe. La dation se révèle donc être particulièrement attractive pour les collectionneurs et artistes ainsi que – à leur décès – pour leurs héritiers devant faire face à des droits de succession parfois importants. Plus généralement, le mécanisme intéresse potentiellement toute personne disposant dans son patrimoine d’une pièce remarquable. Le tableau L’Origine du monde de Courbet constitue une excellente mise en pratique pour la France, tandis que l’exceptionnelle collection Janssen d’objets d’art précolombien en est une autre pour la Belgique. Le contribuable doit dans tous les cas passer par la préparation et le dépôt de la demande de dation ; son dossier sera examiné par l’administration et une commission spécialisée. Si la procédure parvient à son terme, le transfert de propriété de l’œuvre sera effectué.

Les différences
Si les principes sont identiques dans les deux pays, les différences se font sentir d’entrée de jeu puisque le système français vise, dans la dation, tous les droits dits « de mutation » à titre gratuit (les droits de succession, les legs et les donations) ainsi que les droits de partage, et même l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). La Belgique, elle, la limite au paiement des droits de succession. En ce qui concerne l’impôt belge des personnes physiques (IPP), seule une réduction d’impôt égale à 45 % de la valeur de l’œuvre a été instituée en cas de donation de celle-ci à l’État. Particularité supplémentaire, la Belgique a prévu que les frais d’expertises, s’il y a lieu, restent à la charge du contribuable tant que la dation n’est pas finalisée. Il s’agit d’éviter ainsi que le candidat n’en profite pour faire expertiser une œuvre aux frais de l’État et ne décide en fin de procédure de retirer sa demande en refusant la valeur proposée par la commission. En effet, dans les deux systèmes, c’est bien le contribuable demandeur qui a le dernier mot quant à la finalisation de la dation.

Dans les deux pays, le contribuable devra s’armer de patience puisque le processus peut facilement durer plusieurs années. Toutefois, le mécanisme belge est rendu encore plus complexe par la réalité fédérale du pays. À titre d’exemple, le comité d’experts chargé d’examiner les œuvres proposées regroupe des experts artistiques, mais aussi des représentants des Régions (compétentes pour les questions de succession) et des représentants des Communautés linguistiques (compétentes pour les questions culturelles). Le système belge est donc perfectible en comparaison avec le système français, plus développé sur certains points et a priori plus simple. Cependant, l’opportunité d’effectuer une dation en paiement reste dans tous les cas un moyen efficace pour sauvegarder le patrimoine culturel national. À ce titre, il mériterait d’être encore développé car, in fine, c’est le public des musées qui en profite.

Alexandre Pintiaux est avocat au barreau de Bruxelles et collaborateur en droit de l’art à l’Université libre de Bruxelles.

Légende photo

André Malraux, à l'origine de la loi sur la dation promulguée en décembre 1968, avec le poète et critique d'art Rafael Squirru, en 1959, alors directeur du musée d’art moderne de Buenos Aires - source Wikimedia

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : Comparatif : la dation d’œuvre d’art en France et en Belgique

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