Là-haut sur la montagne

Théâtre -  Retrouver les visions musicales du metteur en scène suisse dans une scénographie tirée à quatre épingles, comme à son habitude, est une délectation. Christoph Marthaler revient en pleine forme et son style inimitable entre métaphore satirique et théâtre musical malicieux n’a pas pris une ride. Tout est réglé au cordeau dans une mise en scène millimétrée et ce nouvel opus est porté par des interprètes polyglottes remarquables (le spectacle est en allemand, anglais, français et italien sous-titré). Nous voici face à une réunion au sommet, prise au pied de la lettre, puisqu’il s’agit d’un huis clos confidentiel dans un chalet littéralement percé par le pic pierreux de la montagne sur laquelle il repose. Un groupe de six personnes, dont la raison de la présence restera mystérieuse, s’y retrouve confiné et leur cohabitation n’est pas aisée. Au menu de leur séjour, ski, sauna et cérémonie, c’est une élite européenne superficielle et de pacotille qui semble plus encline à jouer des coudes qu’à se les serrer, d’autant plus que l’autarcie de façade ne fait pas long feu, car l’oxygène vient à se raréfier. Entre compositions picturales évoquant le cinéma de Wes Anderson, sa profusion de détails et sa précision du cadre, et les éclats chantés d’une beauté irréelle puisant dans le répertoire classique et populaire, entre numéros show time et temps morts, changements de costumes et renversements de situation, la représentation avance au rythme chaotique et comique de situations ubuesques et burlesques. Un véritable échantillon d’humanité pris au piège de sa propre vacuité, une poignée de cobayes que l’on observe à la loupe dans leur bocal, désespérément isolés dans leur tour d’ivoire et incapables de se lier les uns aux autres. C’est bizarre et drôle à souhait, réjouissant et édifiant jusqu’au bout.