Livre

Entretien

Gérard Garouste, vraiment peintre

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 8 avril 2021 - 481 mots

En 2009 paraissait L’Intranquille, un autoportrait littéraire de Gérard Garouste sorti chez L’Iconoclaste.

Sous son autoportrait au masque de chien (2002) reproduit en couverture, le peintre y racontait son histoire. Au commencement était un « salopard » de père, Henri Garouste, vendeur de meubles antisémite qui, pendant l’Occupation, se fit attribuer des biens de juifs déportés. S’ensuivit pour son fils une première crise de délire, à 28 ans, puis des séjours réguliers en psychiatrie et de nombreux rendez-vous manqués avec le bonheur. Récit poignant, admirablement emmené par la journaliste Judith Perrignon, L’Intranquille paraissait dans ans plus tard au Livre de poche et faisait changer le regard porté sur l’œuvre de l’artiste… Ce passé – ce passif – aujourd’hui soldé, Gérard Garouste peut enfin parler de peinture. Tranquillement. Ce qu’il fait dans son nouveau livre paru au Seuil. Plus question de récit mais d’un entretien conduit par l’historienne de l’art et conservatrice de musées Catherine Grenier : Vraiment peindre. Dans l’autoportrait choisi pour illustrer la couverture (Le Maître Panetier, Le Maître Échanson, 2016), Garouste, l’œil facétieux, troque cette fois sa chemise rouge pour une veste couleur terre, le rouge étant rejeté à l’arrière-plan du tableau, comme pour mieux tourner le dos à l’« intranquillité ». Si la figure paternelle, la folie et les années Palace (dont il fut le décorateur) ressurgissent au détour de la conversation, il est avant tout question d’art et d’artistes. De Duchamp, par exemple, qui fit vaciller la confiance que Garouste avait dans ses mains lorsqu’il était étudiant aux beaux-arts – sans que cela attaque toutefois sa confiance dans la peinture. S’il préfère Malevitch, c’est « pour sa vibration, pour son aventure », il préfère aborder la peinture « comme Chagall, qui raconte des histoires en étant porteur d’une philosophie, d’une éthique ». D’ailleurs, dit Garouste, ce n’est pas la peinture qui est importante, mais ce qu’elle révèle. Ici, le peintre donne des détails techniques sur ses anamorphoses (réalisées à l’aide de Photoshop), là, des clés d’analyse sur sa poétique. Ailleurs, l’artiste ouvre des pistes, nous invitant à regarder du côté des bestiaires enluminés du Moyen Âge. Il évoque son rapport à la judaïté, parle de sa havrouta (un dialogue) engagé avec le philosophe Marc-Alain Ouaknin, comme de sa lecture des textes d’Yves Klein, qu’il a trouvé « d’un démodé incroyable », Klein soulevant des problèmes « dont on se moque complètement ». À propos de Giorgio De Chirico, il dit aussi beaucoup l’aimer : « Il se moque de la modernité, il se moque du classicisme. Duchamp rompt avec tout, mais finalement il ne peut pas rompre avec l’histoire de l’art. Il s’est inscrit dans l’histoire de l’art et a engendré des générations d’artistes conceptuels. De Chirico ne cherche pas à y échapper », explique Garouste qui ajoute : « Je préfère la peinture de Manet ou de Goya, mais j’aime son attitude, son choix du mauvais goût. » Des goûts et des couleurs, il n’est question de rien d’autre dans ce livre.

Gérard Garouste, Catherine Grenier,
Vraiment peindre, entretien,
Seuil, Fiction & Cie, 162 p., 20 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Gérard Garouste, vraiment peintre

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