Lectures croisées

Deux artistes, deux philosophies

Par Camille Lechable · L'ŒIL

Le 28 septembre 2016 - 380 mots

Que peuvent bien avoir en commun un « héros de l’Art brut » et un autre de l’Art conceptuel ? L’un résidant à l’hôpital « psychiatrique » de Fleury-les-Aubrais, hors du système de l’art et qui crée des œuvres avant tout pour lui-même, l’autre originaire de Genève, fondateur du groupe Écart en 1969 et qui base sa création sur une démarche théorique : rien ne semble lier ces deux personnalités, encore moins leur production artistique.

Les entretiens recueillis par les éditions de la Bibliothèque des Arts confrontent ces figures que tout semble opposer. Si les artistes bruts ont la réputation d’être de minces communicants, peu à même d’expliquer leur démarche, André Robillard déroge à la règle quand il convie Françoise Monnin dans sa « maison de l’Art brut » remplie de peluches, de masques et de rouleaux adhésifs [André Robillard, La Fleur au fusil : Entretiens avec Françoise Monnin, La Bibliothèque des Arts, 150 p., 19 €]. C’est depuis cet atelier qu’il se fait remarquer par Jean Dubuffet dans les années 1960 grâce à ses Fusils : « Je m’ennuyais et j’avais un peu le cafard. J’ai trouvé des machins de récupération et je me suis mis à construire. Ça m’a donné une occupation. » L’inspiration semble lui venir tout simplement, comme « un truc, un machin magique » qui lui « est tombé dessus », sans concept préétabli. « Et quand c’est bon, que c’est posé, ça bouge plus. » Dans le travail de John Armleder au contraire [Françoise Jaunin, John Armleder, Du minimalisme à la saturation, La Bibliothèque des Arts, 176 p., 19 €], Françoise Jaunin décèle que « tout ce qui [le] pousse à fabriquer quelque chose est toujours précédé par ce qu’on appelle la création. La fabrication n’est pas de la création, c’est de la mise à disposition ». Pour sa série des Furniture Sculptures, il se « met en quête d’objets tout à fait spécifiques pour les décontextualiser », associant mobilier domestique et peinture abstraite, pour créer des sortes de « tableaux d’ameublement » qu’il ne retouche jamais. Un jeu des sept différences pourrait se jouer entre ces deux livres qui révèlent les secrets de création et de vie d’artiste chacun à leur manière, l’un spontané et plein de bon sens, l’autre ironique et cérébral.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°694 du 1 octobre 2016, avec le titre suivant : Deux artistes, deux philosophies

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