Livre

Catherine Cusset, écrivaine : « Hockney me semble proche de Proust »

Par Catherine Cusset · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 434 mots

Catherine Cusset a écrit un roman sur David Hockney, cherchant à comprendre l’homme à travers l’œuvre. Puis elle l’a rencontré…

J’ai commencé à écrire sur David Hockey à la demande de Nathalie Bailleux, de Gallimard, qui voulait inaugurer une collection de livres sur des artistes accompagnés de textes d’écrivains. Elle avait vu un lien entre mon écriture et la peinture de l’artiste. Je vivais alors à New York et j’avais habité deux ans à Londres : j’avais entendu parler de Hockney, bien sûr, mais je connaissais peu son travail. Je regarde sur Internet ses toiles, qui me plaisent immédiatement. Elles me rappellent Bonnard, Matisse… En même temps, je suis stupéfaite par la diversité de son œuvre. J’ai l’impression qu’il y a plusieurs artistes en lui. Comme écrivaine, j’ai envie de comprendre le pourquoi de tous ces changements. Je lis son autobiographie (My Early Years, 1988), enregistrement d’une conversation où il évoque sa jeunesse, et la grosse biographie de Christopher Simon Sykes (2014). Soudain, il devient un personnage de roman. Je le vois vivre. J’entre dans sa peau, c’est très intime. Au point que, quand un journaliste lui demande quelle est sa plus grande histoire d’amour, je trouve que sa réponse est erronée, comme si je connaissais mieux sa vie que lui-même ! Dans sa pratique artistique, Hockney me semble proche de Proust : de même que Proust fait de la psychologie dans le temps, Hockney cherche à représenter le temps en peinture. Ces deux grands artistes ont le même but : recréer le vivant. Le roman paraît. Je l’envoie au studio Hockney. J’ai très peur qu’il me poursuive en justice pour atteinte à la vie privée. Mais David Hockney m’invite à le rencontrer. Il m’impressionne par son énergie, son sens de l’humour, son autodérision, son renouvellement permanent. Comme je reproduis dans mon roman des propos qu’il a tenus dans des entretiens, j’avais l’impression, chaque fois qu’il ouvrait la bouche, qu’il citait mon livre. J’étais curieuse de savoir ce qui l’avait amené à la peinture du paysage dans les années 1990. Il a confirmé ce que j’avais deviné. Après la mort de sa mère, il a traversé une crise et quitté la Californie. Il ne peignait plus. Comme il avait du temps, il a accepté de poser pour son ami Lucian Freud (1922-2011), dont le travail était lent. Pendant un mois à Londres, il a traversé Holland Park, de son atelier à celui de Freud. Pour la première fois en vingt ans, il a vu arriver le printemps… Une des phrases de Hockney que je préfère est celle-ci : « Jamais la mort n’abolira le printemps. »

À LIRE
Catherine Cusset, « Vie de David Hockney »,
Gallimard, 2025, édition de 2018 augmentée d’une postface sur la période 2018-2024, 240 p. + ill., 29 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Catherine Cusset, écrivaine : « Hockney me semble proche de Proust »

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