Marseille 2013 : un problème de fonds

lejournaldesarts.fr

Le 28 juin 2011 - 1199 mots

MARSEILLE [28.06.11] - C’est la polémique du moment à Marseille. La Ville a récemment créé deux fonds de dotations pour attirer des financements privés dans la perspective de 2013. Une initiative qui n’arrange pas les affaires de l’association Marseille-Provence 2013, structure pilote de la capitale européenne de la culture, censée trouver 15 millions d’euros au titre du mécénat pour parvenir à boucler son budget. La Mairie tenterait-elle de concurrencer MP 2013 dans sa quête de financements ?

« L’affaire » a été révélée le 17 juin par le site local d’infos Marsactu.fr. Mais c’est en décembre 2010 que la création de deux fonds de dotation (structure plus souple qu’une fondation) a été officialisée par délibération du conseil municipal. Ils ont pour objet de « mobiliser les acteurs économiques dans la perspective de l’année 2013 ». Le premier, nommé « Marseille Art 2013 - 2020 » est voué à l’acquisition d’œuvres d’art contemporain. Le second, « Marseille Patrimoine 2013 - 2020 », a pour objet d’inciter le secteur privé à participer à « la rénovation du patrimoine architectural marseillais ». Près de cinquante chantiers ont été engagés par la municipalité pour enrichir la future capitale européenne de la culture en matière d’équipements culturels. Ils représentent un investissement de 600 millions d’euros financés à 40 % par la Ville. Dans ce contexte, le mécène est une espèce particulièrement recherchée.

L’idée est de Renaud Muselier qui a présidé pour un temps les deux organismes. « De tels fonds existaient déjà au Conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée (que préside M. Muselier, ndlr). On s’est dit qu’il serait intéressant de faire la même chose à Marseille », nous explique-t-on dans l’entourage de l’ancien premier adjoint au maire. Mais « face à la complexité de la démarche », Muselier a dû reculer « pour des raisons d’emploi du temps ». D’aucuns murmurent qu’il se serait en réalité effacé par prudence… Ces fonds de dotation étant suspectés de court-circuiter l’association Marseille-Provence 2013, elle aussi en quête de mécènes. Ce qui ferait désordre quand on sait que Muselier occupe la fonction de « délégué spécial pour la capitale européenne de la culture », poste crée pour lui par Jean-Claude Gaudin, avec la mission de « développer les infrastructures de la ville » dans un « dialogue permanent » avec l’association MP 2013, structure indépendante chargée de concevoir le programme des manifestations de l’année Capitale. Aujourd'hui, les fonds de dotation sont pilotés par les équipes du maire.

Le budget de l’association a été diminué de 7 millions d’euros
« Le problème est sérieux. Nous sommes atterrés ». À la Maison diamantée, siège de MP 2013, on accuse le coup. Le sujet embarrasse et on ne s’exprime que sous le sceau du off : « Avec ces fonds de dotations, nous aurons encore plus de mal à atteindre nos objectifs de mécénat ». MP 2013 a bien du mal à boucler son budget. Déjà, la défection de Toulon a obligé le conseil d’administration, réuni le 9 juin, à amputer le budget de l’association de 7 millions d’euros, passant de 98 millions à 91 millions d’euros. Sur cette somme, 15 millions devront apportés par le secteur privé. Ainsi, depuis deux ans, MP 2013 drague les acteurs économiques, imaginant plusieurs formules de mécénat, selon la taille et la capacité financière des entreprises. La Poste et la Société Marseillaise de Crédit ont chacune déboursé 1,5 millions d’euros pour être « partenaires officiels », le ticket gold des mécènes de la capitale culturelle. « Deux autres sont signés, mais pas annoncés » assure-t-on chez MP 2013. L’un d’entre eux serait Orange. Il resterait donc encore 9 millions d’euros à trouver : « Ne pas y parvenir serait catastrophique ! » On sait que la conjoncture ne leur facilite pas la tâche. Les polémiques qui rythment la vie de MP 2013 encore moins. Alors si en plus, la Ville prospecte les mêmes entreprises pour leur demander d’investir à Marseille pour 2013, l’association crie au scandale. Enfin, en off

Cependant, MP 2013 réfute les accusations selon lesquelles la Mairie de Marseille aurait l’ambition de prendre le contrôle de l’association en siphonnant son budget. On nous assure que la collaboration reste étroite qu’ « il n’y a pas de soucis ». L’explication serait plus basique : « ils ont bêtement décidé d’agir ainsi sans mesurer que cela entrait en interaction avec notre calendrier. Ils n’ont pas fait gaffe au timing. » Car MP 2013 s’apprête à nouer ses partenariats de « deuxième rang » à l’attention des entreprises souhaitant être associées aux grands projets de l’année Capitale moyennant une contribution de 300 à 600 000 euros. « C’est là que ça coince. Nous discutons depuis longtemps avec les partenaires, nous présentons les projets… Le dispositif de la Ville nous ennuie car il vient ralentir nos négociations. » En clair, les entreprises ne sauraient plus à qui donner.

« Deux territoires bien distincts »
« Il n’y pas de concurrence ! » plaide Daniel Hermann, adjoint au maire délégué à la culture. « Les fonds de dotation de la Ville sont consacrés à l’achat d’œuvres et au patrimoine. 2013, c’est de l’événementiel. En terme de mécénat, ce sont des actions très différentes. Dire que nous empiétons sur MP 2013 est une contre-vérité. Il y a deux territoires bien distincts ! » Il prend l’exemple de la Fondation Total, qui participe en ce moment à la réhabilitation du fort d’Entrecasteaux : « Elle ne peut intervenir que sur du patrimoine. Et n’aurait donc pas pu suivre 2013 ! » Enfin, Hermann nous explique que ces fonds ont été créés pour « réunir dans un même organisme, des actions que nous réalisions auparavant au coup par coup. La Ville va investir plus de 80 millions pour la rénovation de ses musées. Avec les difficultés que connaissent les collectivités locales, il est normal que nous cherchions des fonds privés. Aussi, ces partenariats ne concernent pas seulement 2013 mais s’étalent jusqu’en 2020 ». La polémique n’a donc pas lieu d’être. Circulez, il n’y a rien à voir...

« Il faut trouver les moyens de se coordonner pour éviter de se concurrencer », tranche quant à lui Jacques Pfister président de la CCI et de l’association MP 2013. L’homme a la vanne facile. Mais pour le coup, il pèse chacun de ses mots : « Les objectifs sont certes complémentaires. Mais encore faut-il que les clients le comprennent. Nous devons améliorer la communication à l’attention des entreprises. » Pour cela, il a été décidé qu’une rencontre entre l’association et la Ville se déroulerait « avant le mois de juillet ». Histoire d’éviter les malentendus. Pas sûr que cela suffise. Car si du côté de MP 2013, on est résigné sur les mœurs des politiques - « À Lille en 2004, c’était pareil : Aubry prenait son téléphone pour démarcher les entreprises » ; à la Ville, on est de plus en plus fatigué de voir l’association « jouer les victimes ». Plusieurs élus et proches collaborateurs du maire n’hésitent plus à dire que « MP 2013 s’y est pris trop tard. Ils savent bien qu’ils ne parviendront pas à obtenir leurs 15 millions. Ils commencent donc déjà à se trouver des excuses... » 

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque