Ventes aux enchères

Vermeer crée l’événement

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 438 mots

Le premier tableau de Vermeer apparaissant sur le marché depuis plus de quatre-vingts ans fait figure d’événement.

L’arrivée d’un tableau de grand maître, de surcroît nouvellement attribué, suscite en général moult frénésies sur le marché. On se rappelle de l’autoportrait de Rembrandt dispersé par Sotheby’s, sur lequel bonnes et mauvaises langues ont glosé sans fin en juillet dernier. Si le Garçon à la pipe de Picasso a nourri pendant plusieurs mois les discussions, tel n’est pas le cas du premier Johannes Vermeer présenté en ventes publiques depuis plus de quatre-vingts ans. Étonnamment ce tout petit format (25 x 20 cm) représentant une Jeune femme jouant du virginal proposé le 7 juillet par Sotheby’s pour 3 millions de livres intrigue, sans, semble-t-il, déchaîner de passions. Comme toujours, les marchands feignent l’indifférence et les mauvaises langues vont bon train.
Acheté en 1960 par un marchand d’art primitif belge, le baron Frédéric Rolin, ce tableau était tombé en disgrâce et attribué au célèbre faussaire Van Meegeren. Sûr de son flair, le baron Rolin le conserve jusqu’en 1993 avant de le soumettre au spécialiste de Sotheby’s, Gregory Rubinstein. S’en suit une décennie de recherches historiques. La première étape fut l’analyse scientifique menée en 1995 par Libby Sheldon, du University College de Londres. Ses recherches sur les pigments révèlent une forte présence de bleu outremer, une couleur onéreuse utilisée avec beaucoup de parcimonie par les maîtres hollandais en raison de son prix. En revanche, Vermeer s’en servait abondamment, y compris dans certaines teintes des murs. Dans la foulée, Libby Sheldon décèle la présence de jaune de plomb, un pigment qui ne sera plus utilisé après la fin du XVIIe siècle. Mais les professionnels se montrent souvent méfiants face aux analyses qui permettent de dater et non d’attribuer une œuvre. En 2002, une restauration est entreprise par Martin Bijl, ancien restaurateur en chef du Rijksmuseum qui avait aussi nettoyé l’autoportrait de Rembrandt. Après le retrait des repeints, le comité de mandarins constitué pour l’occasion accrédite de son authenticité. L’estimation, plutôt mesurée, n’est pourtant pas celle qu’on imaginerait pour un chef-d’œuvre du maître. D’après Gregory Rubinstein, l’état du tableau est plutôt bon, même s’il reste une zone d’ombre quant au drapé jaune dont on ne sait pas vraiment quand ni comment il a été réalisé. « Nous n’avons pas de terrain de comparaison, explique le spécialiste. Le dernier tableau passé en vente remonte à 1921. Étant donné la quantité de discussions que le tableau a générées, il est préférable de laisser faire le marché. » Une sage décision sans aucun doute.

LONDRES, Sotheby’s, New Bond Street, 7 juillet, tél. 00 44 207 293 50 00.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Vermeer crée l’événement

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque