Ventes aux enchères

Un Fra Angelico retrouvé

Richard Feigen l’avait acquis comme un Strozzi

Par Paul Jeromack · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 1999 - 570 mots

Un tableau florentin attribué à Zanobi Strozzi, acquis par le marchand Richard Feigen chez Sotheby’s en juillet 1998, a été identifié par Laurence Kanter, conservateur au Metropolitan Museum of Art à New York, comme étant le panneau manquant d’une prédelle de Fra Angelico.

NEW YORK (de notre correspondant) - Vendue 12 000 livres (environ 108 000 francs) par Sotheby’s en juillet 1998, avec la mention “attribuée à Zanobi Strozzi”, ce petit tableau florentin du XVe siècle vient d’être identifié comme une prédelle depuis longtemps disparue peinte par Fra Angelico. Mis en vente par un descendant de l’historien allemand de l’art Kurt Bauch (1898-1975), le panneau (24,9 x 21,6 cm) représente Sainte Agathe sortant de sa tombe et apparaissant à sainte Lucie et à sa mère Eustachia.

Dans le catalogue de Sotheby’s, l’œuvre était accompagnée d’une note curieuse : “Ce sujet inhabituel est également traité sur un autre panneau de prédelle issu d’une série illustrant la vie de sainte Lucie et attribuée à Fra Angelico. Mais à l’instar de cette peinture, on estime qu’il s’agit plus vraisemblablement du travail de l’un de ses disciples”. Richard Feigen reconnaît avoir acquis le tableau en pensant qu’il s’agissait d’une peinture florentine exécutée par un membre de l’entourage de Fra Angelico. “À l’époque, je n’aurais jamais cru qu’il puisse s’agir d’une œuvre authentique du maître. Je pensais plutôt à Benozzo Gozzoli.”

La peinture a été identifiée par Laurence B. Kanter, conservateur de la collection Robert Lehman au Metropolitan Museum of Art (Met), à New York, comme étant le panneau manquant d’une série de cinq qui formait la partie inférieure d’un autel disparu. En 1994, dans son exposition au Met, “La peinture et l’enluminure à Florence au début de la Renaissance, 1300-1450”, Laurence Kanter avait présenté les quatre autres panneaux, qui sont conservés au Museo di San Marco, à Florence (La présentation de Jean Baptiste), au Philadelphia Museum of Art (L’enterrement de la Vierge), au Fine Arts Museum à San Francisco (La rencontre de saint François et saint Dominique), et au Kimbell Art Museum, à Forth Worth, qui a acheté L’apôtre saint Jacques le Majeur délivrant le magicien Hermogène en 1986, chez Wildenstein, pour environ 5 millions de dollars (30 millions de francs). Ces panneaux se caractérisent par des bordures en or très particulières et des coins chanfreinés. Les bordures d’or, qui n’étaient pas visibles sur le panneau acquis par Feigen au moment de la vente, ont réapparu après le nettoyage et la restauration effectués par le restaurateur new-yorkais Marco Grassi. Les quatre panneaux ayant été peints sur une fine tablette de bois qui a été plus tard divisée, il suffirait, pour confirmer l’origine du panneau de Feigen, de comparer son grain à celui des autres. Laurence Kanter prévoit donc d’utiliser les rayons X avant de publier dans le magazine Burlington un article consacré à cette découverte. Étrangement, c’est la seconde fois que Feigen achète chez Sotheby’s une œuvre qui se révèle être de la main de Fra Angelico : en octobre 1995, un fragment de moindre importance, une Tête de saint Joseph, lui avait été adjugé 29 000 livres comme étant de Giovanni Toscani. Alors que tous les marchands rêveraient d’acquérir pour quelques milliers de livres un tableau qui en vaut plusieurs millions, Feigen déclare : “Mes deux Fra Angelico sont destinés à ma collection personnelle, et je me moque de savoir quel pourrait en être le prix – aucun des deux n’est à vendre.”

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Un Fra Angelico retrouvé

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