ENTRETIEN

Un entretien avec Dominique de Villepin

« Les moments de basculement historique me fascinent ».

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 12 mars 2008 - 748 mots

Dominique de Villepin met aux enchères sa collection d’ouvrages et d’autographes sur l’Empire le 19 mars chez Pierre Bergé & Associés.

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Vous mettez en vente aux enchères votre collection d’ouvrages et d’autographes sur l’Empire, le 19 mars, chez Pierre Bergé & Associés avec l’assistance de l’expert Benoît Forgeot. À quand remonte votre intérêt pour cette période de l’Histoire ?
C’est une passion très ancienne. J’ai toujours été féru d’Histoire. J’ai été conduit à m’intéresser à Napoléon, en essayant de comprendre comment la France passait de l’Ancien Régime à la Révolution, puis de la terreur révolutionnaire à l’Empire. J’ai acheté mon premier livre sur cette période à 14 ans. C’était Qu’est-ce que le Tiers État, pamphlet publié par l’Abbé Sieyès en janvier 1789. J’avais déjà le goût des brocantes et des libraires.

Qu’est-ce qui a guidé vos choix ?
Mon ambition a d’abord été d’écrire sur l’ascension et la chute de Napoléon. J’ai publié une épopée napoléonienne aux éditions Perrin : après Les Cent Jours ou l’Esprit de sacrifice (2001) et Le Soleil noir de la puissance (2007), La Chute ou l’Empire impossible, qui raconte la période de 1807 à 1814, verra le jour dans le courant de l’année 2008. Suivra un 4e volume, sur le dernier exil intitulé Sainte-Hélène ou l’éternel retour. Cette collection ne se contente pas du tout d’ouvrages à la gloire de l’empereur, mais contient aussi beaucoup d’ouvrages très critiques. J’ai privilégié les témoignages qui permettent de mieux cerner ce qui s’est passé. Et je me suis aussi attaché à ce qui reflète le parfum et la sensibilité de l’époque. Par exemple, deux almanachs royaux de 1787 sont particulièrement émouvants, évocateurs des tragédies de la période révolutionnaire : celui de Marie-Antoinette et celui de la princesse de Lamballe, surintendante de la reine. Cette dernière a été exécutée et sa tête mise au bout d’une pique a été présentée à Marie-Antoinette alors qu’elle était au Temple.

Vous avez constitué une bibliothèque d’érudition avec une véritable sensibilité de bibliophile.
C’est une bibliothèque de lecture en vue d’écrire sur cette période, mais c’est aussi celle d’un amoureux de l’Histoire. J’ai essayé d’allier à la fois la rareté des provenances ainsi que la qualité et le parcours des exemplaires. J’attache beaucoup d’importance aux personnes qui ont obtenu ces livres avant de les avoir en mains. Je pense, par exemple, à plusieurs ouvrages de la bibliothèque de Talleyrand. Derrière le sujet d’un livre, il y a l’histoire du livre lui-même.

Pourquoi vous en séparer aujourd’hui ?
Je m’en sépare sans nostalgie, car je crois avoir été jusqu’au bout de mes recherches. Les livres occupent tellement de place ! Mais je sais que d’autres bibliophiles s’intéresseront de façon privilégiée à cette collection. Ce sont les meilleurs conservateurs des livres : ils en prennent soin, les restaurent quand ils en ont besoin, les gardent dans les meilleures conditions possibles et les enrichissent en leur donnant une histoire supplémentaire.

Quel est votre centre d’intérêt aujourd’hui ?
Je souhaite me consacrer à l’étude et à l’écriture de la période charnière des XVe-XVIe siècles, avec la découverte du nouveau Monde et les grands voyages. J’essaie de comprendre comment l’œil humain s’est ouvert à tout cela avec beaucoup d’appréhension et d’espoir. En terme d’histoire des mentalités, c’est assez proche de ce que nous connaissons aujourd’hui avec la mondialisation. Le monde change à toute vitesse, ce qui passionne et effraie en même temps. Essayer d’imaginer à quoi pourrait ressembler ce monde, anticiper les nouveaux rapports de force, perspectives et possibilités qu’il offre et en même temps se doter des moyens de faire face aux difficultés d’aujourd’hui : ces moments de basculement historique me fascinent.

Quel bilan culturel tirez-vous de votre passage à Matignon ?
Je retiens la multiplicité de défis : accompagner la création, favoriser de grandes collections, encourager le mécénat, développer des dispositifs fiscaux incitatifs. Défendre sa culture, c’est aussi mieux connaître la culture des autres. Parce que la culture est un élément extrêmement important pour le rayonnement d’un pays, il faut rester vivant sur le plan culturel. Cela implique une mobilisation de tous les acteurs, pas seulement de l’État et des collectivités locales, mais aussi des entreprises, des associations et de chacun d’entre nous. Notre illustration culturelle ne doit pas être uniquement liée au passé, il faut que, dans ce XXIe siècle, nous montrions que nous avons de grands artistes et de grands créateurs.

Bibliothèque impériale de Dominique de Villepin, livres et autographes, vente le 19 mars à Drouot, SVV Pierre Bergé & Associés, tél. 01 49 49 90 00
www.pba-auctions.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°277 du 14 mars 2008, avec le titre suivant : Un entretien avec Dominique de Villepin

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