Galerie

Sous les ors d’Orozco

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2019 - 641 mots

PARIS

Imprégné de culture japonaise, l’artiste, invité à la galerie Chantal Crousel, y présente des peintures et dessins à l’aquarelle sur panneaux de calligraphie.

Paris. Les expositions parisiennes de Gabriel Orozco font toujours l’effet d’un petit événement. Ce n’est pas qu’elles sont rares : celle-ci est la septième organisée par Chantal Crousel depuis le début de leur collaboration en 1993, époque où l’artiste montra sa fameuse DS Citroën rétrécie d’un tiers dans sa largeur. Niklas Svennung, associé de Chantal Crousel, précise même que, depuis quelques années, « exposer Orozco est devenu un rendez-vous bisannuel ». Non par principe, mais parce que l’on s’attend à être surpris. Car l’artiste (né en 1962 à Mexico) témoigne d’une forte capacité à appréhender l’espace et à en modifier la perception – ce qui n’est pas particulièrement le cas cette fois. Mais surtout il sait toujours se renouveler. On le constate avec ces œuvres réalisées ces deux dernières années, qui n’ont rien de spectaculaire et peuvent même être qualifiées d’intimistes. La raison en est simple : depuis 2016, Orozco vit avec femme et enfant à Tokyo où les espaces de vie sont plus réduits qu’à New York – où il continue d’ailleurs de séjourner régulièrement ainsi qu’à Paris et Mexico. Dans le catalogue accompagnant son exposition présentée l’année dernière à la galerie White Cube de Hongkong, une photo montre le coin de table, dans la cuisine, à côté du frigo, sur lequel il travaille. On y voit une boîte d’aquarelles et quelques feuilles de papier. « Tokyo m’apporte plus de temps, plus de paix », confie l’artiste.

Le manque de place et la culture japonaise l’ont donc conduit à réaliser des « shikishi », du nom de cette technique sur un support en papier doré utilisé pour la calligraphie. Plusieurs séries, accrochées en tir groupé selon leurs formats, mêlent à la fois la belle spontanéité du geste d’Orozco et le savant calcul de compositions géométriques déclinées à partir du cercle, demi-cercle, quart de cercle. Telles l’image de marque d’Orozco, elles viennent introduire de l’ordre et une autre dimension, celle d’une configuration de planètes.

Une série de 8 paravents en apesanteur

On retrouve cette technique et ces mêmes alliances dans la très belle suite de huit paravents, là encore de taille moyenne, présentés deux par deux au centre de la galerie comme une installation et qui alternent un panneau rouge et un autre doré. Les formes et mouvements qui les animent témoignent là encore de la légèreté, fluidité et apesanteur structurant le travail d’0rozco.

Comme un rappel, juxtaposé ici à la culture japonaise, de l’intérêt qu’Orozco a toujours porté à la mémoire, l’un des trois grands tableaux de l’exposition offre une composition géométrique sur un fond délavé. Il souligne le côté palimpseste d’un travail qui s’inscrit dans la lignée des œuvres réalisées de façon pérenne pour le château de Chaumont-sur-Loire, en travaillant justement à partir des motifs floraux d’anciens papiers peints.

L’histoire (de l’art) et la réminiscence sont également au cœur d’un autre grand tableau, au fond jaune celui-là, en clin d’œil à Matisse qui lui-même s’était imprégné du Japon. La boucle est bouclée.

Au-delà de l’unité et de la cohérence de l’ensemble, complété par une série de sept petites sculptures en obsidienne, elles aussi des bijoux de géométrie qui selon l’angle reflètent ou absorbent la lumière, l’exposition concentre et conjugue intelligemment les grands thèmes de l’artiste, le rapport à la nature à travers le végétal et la minéralité, les jeux d’échelle, l’apesanteur…

De 45 000 dollars pour les plus petites aquarelles à 950 000 pour les plus grands tableaux, les prix, eux aussi, sont en apesanteur. Une cote élevée qui s’explique par d’importantes expositions dans des institutions du monde entier (la Tate Modern à Londres, le MoMA à New York, le Centre Pompidou, la Kunsthaus de Bâle…) et qui suit la logique d’une génération d’artistes portés et soutenus par un marché international dynamique.

Gabriel Orozco,
jusqu’au 5 octobre, galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°529 du 20 septembre 2019, avec le titre suivant : Sous les ors d’Orozco

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