Droit - Ventes aux enchères

Quelle sanction en cas de non-respect du prix de réserve dans une vente aux enchères ?

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 12 juin 2017 - 855 mots

PARIS [12.06.17] - Le TGI de Paris vient de confirmer, le 28 février 2017, que le non-respect du prix de réserve ne pouvait entraîner la nullité de la vente, mais seulement l’octroi de dommages-intérêts. Les sanctions varient selon la publicité donnée ou non au prix de réserve dans le catalogue.

Le contentieux relatif au non-respect du prix de réserve s’avère rarement porté devant les juridictions judiciaires. Il s’agit, au contraire, d’une hypothèse de saisine assez régulière du commissaire du Gouvernement près le Conseil des ventes volontaires. La récente décision du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 28 février 2017, permet d’envisager les conséquences d’une telle violation du mandat par l’opérateur de ventes volontaires, bien que les termes de la solution soient ici particulièrement lapidaires. À défaut de publicité du prix de réserve, celui-ci est inefficace à l’égard de l’adjudicataire et la vente produit pleinement ses effets. Le vendeur lésé ne pourra alors que rechercher la responsabilité de l’intermédiaire.

Les faits de l’espèce étaient assez simples. Un propriétaire avait confié à un opérateur la vente d’une Ferrari F40, estimée entre 900 000 euros et 1,1 million d’euros. Le mandat conclu entre les deux parties avait prévu un prix de réserve égal à l’estimation la plus basse, conformément à la réglementation en vigueur. Mais bien que le feu des enchères se fût tari sous le seuil fatidique du prix de réserve fixé, l’opérateur décidait de prononcer l’adjudication. Conscient des difficultés auxquelles il s’exposait potentiellement, celui-ci versait toutefois au vendeur l’équivalent du prix d’adjudication minimal attendu, minoré de certains frais.

Espérant sans doute céder à un bien meilleur prix son véhicule de collection, le vendeur déçu saisit la justice, fondant son action sur le terrain de la nullité de la vente, en raison de la violation du mandat confié au commissaire-priseur, au regard tant des articles L. 321-11 du Code de commerce et 1108 du Code civil. L’article L. 321-11 du code de commerce fixe le régime du prix de réserve. Ce prix est défini comme le prix minimal arrêté avec le vendeur au-dessous duquel le bien ne peut être vendu. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l'estimation la plus basse figurant dans la publicité, ou annoncée publiquement par la personne qui procède à la vente et consignée au procès-verbal. Aucune obligation de publicité du prix de réserve n’est donc imposée. Celui-ci peut être soit indiqué au catalogue, soit conservé secret, deux hypothèses dont les conséquences sont opposées.

Le tribunal retient en l’espèce que « si la méconnaissance des termes du mandat engage la responsabilité du commissaire-priseur à réparer le préjudice éventuellement subi à ce titre par le vendeur, cette méconnaissance ne peut avoir pour effet d’entraîner l'annulation de la vente portant sur le véhicule litigieux ». Aucune remise en cause de la vente sur le terrain de la nullité ne peut donc être recherchée. Le tribunal ajoute, par ailleurs, que « la faute du commissaire-priseur entraîne, en cas de préjudice subi par le vendeur, une action en indemnisation qui se résoudra par l’allocation de dommages-intérêts mais qui ne peut entraîner l'annulation de la vente ». Or, l’opérateur s’était ici prémuni de l’action en indemnisation en compensant volontairement l’éventuel préjudice subi par le vendeur, résultant de la différence entre les stipulations du mandat, le prix minimal attendu, et le prix marteau.

La solution mérite néanmoins d’être développée. La nullité ne pouvait être effectivement invoquée. Celle-ci a vocation à sanctionner une liste limitative de défauts au stade de la formation du contrat, défauts desquels ne ressort pas la violation des termes du mandat. Une telle hypothèse, attachée au dépassement des pouvoirs confiés au mandataire, peut entraîner uniquement une inopposabilité de la vente au profit du mandant, conformément aux dispositions des articles 1998 et 1156 nouveau du Code civil, éventuellement complétée d’une action en responsabilité. En ce cas, le vendeur n’a pas à livrer le bien et l’adjudicataire à en payer le prix. Néanmoins, un tel mécanisme ne peut jouer qu’à condition que la théorie de l’apparence ne puisse être retenue. Il s’agit là de la situation dans laquelle un tiers de bonne foi a pu légitimement croire dans les pouvoirs du mandataire, c’est-à-dire ici à vendre le bien au prix marteau.

Or, les conditions générales de la vente ne pouvaient ici permettre aux enchérisseurs de connaître l’existence d’un tel prix de réserve, faute d’une quelconque indication portée dans la description du lot. La seule référence faite au mécanisme du prix de réserve, au sein des conditions générales, est insuffisante dès lors que la description du lot n’en fait pas mention. Dès lors, l’adjudicataire pouvait légitimement croire dans les pouvoirs du mandataire, l’opérateur de ventes volontaires, et la vente produit nécessairement ses effets.

La force juridique du prix de réserve, son opposabilité, tient donc à sa mention dans la description du lot, qu’une telle mention se fasse par l’insertion d’un astérisque renvoyant aux conditions générales de vente ou par une référence explicite. À défaut, le prix de réserve sera inefficace et ne pourra faire échec à la vente. Seule la responsabilité de l’opérateur pourra être engagée.

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Ferrari F40 © Photo David Monniaux - 2006 - Licence CC BY-SA 3.0

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