Estimées à 2,1 milliards de dollars, les ventes d’automne – qui alignent un volume important d’œuvres – vont donner le pouls du marché.
New York. Du 17 au 21 novembre, New York concentre les ventes phares d’art impressionniste, moderne et contemporain, rendez-vous stratégique pour prendre le pouls du marché en fin d’année. « Ce sera le vrai grand test. La qualité des œuvres qui y sont proposées est absolument spectaculaire. Les ingrédients sont réunis pour qu’elles soient un succès », annonce d’emblée Paul Nyzam, directeur du département Art d’après-guerre et contemporain chez Christie’s.
L’an passé, les grandes ventes d’automne chez Christie’s, Sotheby’s et Phillips proposaient pour 1,5milliard de dollars d’œuvres des XXe et XXIe siècles. Elles en avaient récolté 1,3. Cette année, les maisons attendent 2,1milliards de dollars (avec seulement 100lots de plus). « Il y a beaucoup de collections qui apparaissent dans ces ventes et qui sont des successions. Cela signifie que les avocats qui s’occupent de ces successions ont reçu des garanties qui les ont encouragés à vendre. Cela montre aussi qu’ils ne veulent pas attendre et ont fait le choix d’y aller maintenant », analyse le conseiller en art impressionniste et moderne Thomas Seydoux. Ça fait longtemps que nous n’avions pas vu autant de collections passer sur le marché en une fois. C’est positif pour le marché. » Ce dynamisme tranche avec un contexte international incertain. Déjà, en octobre –dans une moindre mesure– les ventes de Londres chez Christie’s et Sotheby’s avaient marqué un net rebond du marché (230M£, soit +32 %). Paris a suivi (220M€) –avec un Picasso à 32M€ à Drouot– et une progression de 26% pour les deux maisons réunies. « Les ventes de Londres et Paris ont envoyé des signaux positifs quant à la résilience du marché, dans un contexte géopolitique et financier global par ailleurs bien turbulent. L’énergie extraordinaire constatée à Paris pendant la semaine d’Art Basel a évidemment fait du bien à tout le monde », confirme Paul Nyzam.
Sotheby’s, dont l’estimation globale grimpe à 1,07milliard de dollars (contre 702 millions en 2024) a décroché la timbale avec la vente d’une partie de la collection du milliardaire américain, philanthrope et collectionneur d’art Leonard A. Lauder (décédé en juin dernier), estimée plus de 400millions de dollars pour 24lots. Celle-ci ne renferme pas moins de trois Klimt (estimés 300M$ à eux seuls), dont Portrait d’Élisabeth Lederer, estimé plus de 150M$. Une estimation très audacieuse quand on sait que le record mondial de l’artiste, qui date de 2023, avait atteint 108,7millions de dollars (Dame à l’éventail). Sotheby’s disperse également la collection de Cindy et Jay Pritzker (près de 90M$), où figure un Van Gogh (40M$) ou encore des œuvres de la collection de Matthew et Carolyn Bucksbaum.
Christie’s ouvre la semaine avec la collection réunie pendant plus de cinquante ans par Patricia et Robert Weis (soit 18 lots, estimés au-delà de 220M$), dont un Picasso à 40millions de dollars et un Rothko à 50. Elle enchaîne ensuite avec six autres ventes (687 lots au total), pour une estimation globale de 737 millions à 1milliard de dollars – au-dessus de l’an passé puisque l’estimation haute était fixée à 675. Parmi elles, des œuvres issues des collections Elaine Wynn, Arnold et Joan Saltzman ou encore du Kawamura Memorial (Japon), dont un Nymphéas de Monet (40 à 60 M$). Au total, ce ne sont pas moins de 15 lots estimés à 20 millions de dollars et plus, qui sont recensés, contre six l’an passé.
Chez Phillips, les estimations restent peu ou prou dans la fourchette de 2024, mais, fait inédit, la maison a intégré pour la première fois des merveilles de l’histoire naturelle au cœur de sa vente d’art moderne et contemporain. Dans celle du soir, elle a également inséré –après un Bacon estimé 13à 18 millions de dollars–, un triceratops juvénile vieux de 69 millions d’années, premier spécimen quasi complet de son espèce jamais découvert. De quoi séduire de nouveaux collectionneurs ?
Ce volume suppose de mobiliser de nombreux tiers garantisseurs (les collections Lauder et Weis sont assorties d’une garantie interne de la maison de vente). « Aujourd’hui ces garanties externes sont devenues une part inhérente des ventes aux enchères, les maisons étant de plus en plus réticentes à mettre leur propre argent sur la table », observe Thomas Seydoux. Vont-elles y arriver ? Pour l’heure, impossible à dire car la chasse aux garants se poursuit jusqu’à l’ouverture des ventes. « Pour autant, si nous attendons tous une reprise, nous aimerions qu’elle soit sincère et que tout ne se vende pas aux garantisseurs. » En tout cas, « les collectionneurs sont certainement plus exigeants que jamais quant à la qualité des œuvres (leur rareté, leur provenance, et bien sûr leur estimation qui ne doit pas être trop agressive), mais ils sont bien là et ils sont prêts à se battre », constate Paul Nyzam.
Quoi qu’il en soit, le volume et le niveau des attentes ne suffisent pas à signifier une reprise : seuls les résultats feront foi. L’afflux de lots –dont un nombre élevé d’œuvres millionnaires– traduit un retour de confiance du côté des maisons de ventes. Si la semaine new-yorkaise s’avère concluante, elle pourrait rassurer les vendeurs et les inciter à consigner davantage d’œuvres en 2026. Reste une question, essentielle: le marché pourra-t-il tout absorber? Un défi de taille.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
New York, un test grandeur nature
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : New York, un test grandeur nature





