Droit

Moscou déverrouille le marché de l’art russe

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 10 juin 2016 - 498 mots

MOSCOU (RUSSIE) [10.06.16] – Le parlement russe a adopté –non sans une inhabituelle opposition - une loi qui desserre l’étau du marché de l’art, notamment en permettant l’exportation d’œuvres de plus de 100 ans.

Exporter des œuvres d'art de Russie sera plus facile. La Douma (chambre basse du parlement) a approuvé jeudi en première lecture des amendements sur la loi controversée régissant la circulation des biens à valeur culturelle. Les nouveaux amendements permettent aux musées privés de ne pas payer de taxe douanière pour le transport temporaire de biens culturels à travers la frontière. Jusqu’ici, cet avantage fiscal était réservé aux musées publics, les autres devant s’acquitter d’une taxe de 18%.

Autre nouveauté, la possibilité d'exporter des oeuvres de plus de 100 ans, ce qui était rigoureusement interdit. La nouvelle mouture de la loi devrait simplifier la procédure et l'achat et la vente d'œuvres d'art, affirment les auteurs du projet de loi. Une partie des acteurs du marché russe de l’art accueillent avec satisfaction une libéralisation réclamée depuis longtemps par les musées, galeries et collectionneurs.

La loi n’est pas passée sans douleur. Le comité pour la culture de la Douma s’est fermement opposé aux amendements simplifiant la circulation d'œuvres d'art. Les nouvelles règles « rendront presque incontrôlable l'exportation des œuvres de l'avant-garde russe » pointe une note du comité. Et de s’inquiéter d’une fuite des Kandinsky, Malevitch, Chagall, ces signatures de loin les plus chères du marché de l’art russe. « Nous assistons aujourd’hui à une tentative de briser le système de protection de notre culture nationale », a déclaré la députée Elena Drapeko, qui est actrice de profession. « Pour eux [le comité du budget], l’art est une marchandise ! C’est terrifiant ! tandis que pour nous, l’art est sacro-saint ».

Dans sa version précédente, qui remonte à 1993, la loi russe était l’une des plus protectionnistes du monde. Sauf que la corruption des autorités douanières et du ministère de la culture ont permis la circulation d’un nombre considérable d’oeuvres. Andreï Makarov, l’un des rédacteurs des amendements, a pris un malin plaisir à démolir la posture protectionniste, affirmant devant les députés « qu’il suffit aujourd’hui d’un pot-de-vin de 2500 roubles [35 euros] à l’aéroport pour faire sortir ou rentrer n’importe quelle oeuvre. »

Les amendements ont ceci de particulier qu’ils ont été rédigés par le comité pour le budget et non celui pour la culture. Une grosse dispute a éclaté à ce sujet dans l’hémicycle, au sein même du parti du pouvoir Russie Unie. La loi a été approuvée à 235 voix contre 198, fait tout à fait inhabituel dans un parlement transformé il y a une bonne décennie en chambre d’enregistrement de lois rédigées par le Kremlin. Les opposants accusent « le lobby des oligarques » d’être derrière les amendements. Une source proche d’un collectionneur milliardaire a confié au Journal des Arts que le ministère de la culture « étant totalement opposé à tout changement, nous l’avons contourné et nous sommes passés par d’autres administrations ».

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Réunion parlementaire dans la salle des séances plénières de la Douma, Moscou © Photo FOTOBANK.ER - 2011 - Licence CC BY-SA 3.0

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