Art contemporain

Mitchell-Riopelle, un couple de sensations

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2019 - 659 mots

Dans un dialogue rythmé par des œuvres singulières, la galerie Fournier rejoue la rencontre de son fondateur avec les deux artistes à l’aune de leur relation affective et créative.

Paris. Depuis 2017, la galerie Jean Fournier organise une fois par an une exposition consacrée à un aspect particulier et marquant lié à son fondateur. Comme un portrait en creux de l’emblématique galeriste (1922-2006). La première, en hommage aux dix ans de sa disparition, était une exposition collective qui réunissait les principaux artistes avec lesquels il avait travaillé. La deuxième, en 2018, se concentrait sur les années surréalistes de Simon Hantaï, qui correspondaient à l’époque de la rencontre entre les deux hommes en 1954. Le troisième opus, en cours, s’inscrit dans ce même registre en évoquant le moment, à la fin des années 1950, où Jean Fournier rencontre le couple Joan Mitchell (1926-1992) et Jean-Paul Riopelle (1923-2002), qui, eux-mêmes, s’étaient connus peu de temps auparavant, au début de l’été 1955, à Paris. Un moment à partir duquel il ne cessera de les accompagner dans leurs démarches et leurs évolutions respectives. Il les montrera d’ailleurs, aux côtés de Jean Degottex et Simon Hantaï, pour l’inauguration, en novembre 1963, de la galerie de la rue du bac (après celle de la rue Kléber et bien avant de s’installer rue Quincampoix, en 1979). Il organisera même en 1967 le premier solo show de Joan Mitchell, qui fera dès lors partie de l’équipe de la galerie, alors que Riopelle travaillera lui principalement avec les Maeght.

Au croisement des œuvres

C’est donc en toute logique par un judicieux face-à-face, entre une huile sur papier marouflé sur toile de Jean-Paul Riopelle datée de 1958 (c’est lui que Fournier rencontre en premier) et une huile sur toile (vers 1950) de Joan Mitchell, que l’exposition démarre. Deux œuvres qui, déjà, en disent long sur les échanges et interactions (les coups de pinceau, les rythmes…), mais aussi les divergences (la gamme chromatique, les traitements de la matière…) entre les deux artistes, dont l’un des grands points communs reste cette volonté de créer des paysages de sensations. S’instaure ainsi d’emblée un dialogue que la suite de l’accrochage va confirmer, à l’exemple, magnifique, en fin de parcours de la juxtaposition d’un très lumineux triptyque jaune de Joan Mitchell au titre savoureux Plein été, vu par devant (1980) et d’un grand et nerveux Riopelle, Sans titre (1964), aux tonalités sombres. Parallèlement à ces proximités fructueuses, l’accrochage révèle également les belles surprises d’œuvres peu – voire jamais – montrées, comme ces trois pastels sur papier de Riopelle de 1975, en provenance directe de la famille. La quasi-totalité des quinze œuvres, datées de 1955 à 1980, viennent d’ailleurs de collections privées ou de la galerie. Cela donne à l’ensemble un caractère intimiste, complémentaire et distinct de la grande exposition présentée en ce début d’année au Fonds pour la culture Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau, intitulée [lire JdA n° 515].

Dans celle de la galerie Fournier, dont le commissariat est d’ailleurs assuré par le même Michel Martin (ici accompagné par Émilie Ovaere-Corthay, la directrice de la galerie), c’est bien plus de mesure dont il s’agit, à entendre également au sens de musique, de variations et de rythme, différent, tant les formats et les ambiances sont à l’opposé de l’exposition bretonne. Soit donc une belle opportunité de rattrapage pour ceux qui n’ont pas vu l’exposition de Landerneau.

Compte tenu de leurs provenances, une bonne partie des œuvres n’est pas à vendre. Seuls le sont quelques Riopelle, entre 18 600 euros pour un pastel et 380 000 euros pour une huile sur toile de 1964, à l’étonnant format ovale, comme un œil. Des prix raisonnables lorsque son record, certes pour une œuvre très importante, s’élève à 1,2 million d’euros. Les Mitchell, quant à eux, sont en majorité propriété de la galerie qui ne tient pas à les céder. L’une de ses œuvres a atteint 9 300 000 euros chez Christie’s à New York le mois dernier.

Joan Mitchell/Jean-Paul Riopelle, à la rencontre de Jean Fournier,
jusqu’au 20 juillet, galerie Jean Fournier, 22, rue du bac, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°526 du 21 juin 2019, avec le titre suivant : Mitchell-Riopelle, un couple de sensations

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