Art moderne - Fondation

XXE SIÈCLE

Jean Paul Riopelle, la voix du Canada

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 21 septembre 2023 - 479 mots

Les œuvres de l’artiste canadien rassemblées à la Fondation Maeght célèbrent la beauté des paysages et de la culture du Grand Nord.

Jean Paul Riopelle (1923-2022) dans son atelier de l’Île-aux-Grues au Québec en 1991. © Archives Riopelle
Jean Paul Riopelle (1923-2022) dans son atelier de l’Île-aux-Grues au Québec en 1991.
© Archives Riopelle

Saint-Paul de Vence, Alpes-Maritimes. « Parfums d’ateliers » : le titre de l’exposition consacrée à Jean Paul Riopelle (1923-2002) organisée par sa fille, Yseult, et la Fondation Riopelle, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste, n’est pas une simple métaphore. La manifestation s’articule autour de multiples ateliers de cet artiste nomade – Québec, Paris, Vétheuil, Meudon ou Saint-Cyr-en-Arthies – qui faisait des allers-retours entre son pays natal, le Canada, et la France en passant par les États-Unis.

L’éclectisme de l’artiste

Le parcours de l’exposition, pas vraiment chronologique, peut surprendre le spectateur : le choix des œuvres de multiples techniques permet la découverte d’un Riopelle différent de celui que l’on voit habituellement. De fait, la sélection inclut dessins, sculptures, céramiques, collages, lithographies, tapisseries – la très spectaculaire Tapisserie 2, L’Arbre, 1972 – et même des projets de décors pour une chorégraphie de Merce Cunningham. Grâce au prêt du Centre Pompidou, on peut voir Chevreuse (1954, voir ill.), magnifique toile – la plus grande réalisée par l’artiste –, composée avec une touche mosaïquée et des éclaboussures écrasées comme des couches qui ne se solidifient pas définitivement. On y trouve aussi des travaux exécutés dans un style gestuel, fait de déflagrations qui semblent déborder la surface de la toile, et qui s’inscrivent dans la lignée de l’abstraction lyrique pratiquée à Paris dans les années 1950 (Avalanche, 1956).

C’est l’importance de la nature pour Riopelle qui frappe dans cette exposition. À l’entrée, des paysages lunaires, des surfaces blanches cernées de contours noirs, témoignent de la fascination de l’artiste pour le Grand Nord canadien, terre des Inuits. Dans une autre salle, ce sont des jeux de ficelle qui consistent en des figures créées à l’aide d’une cordelette nouée en boucle, entrelacée entre les doigts, que l’artiste transpose dans ses toiles. Ces arabesques sont rattachées au langage des signes du peuple esquimau, mais aussi à l’enfance de Riopelle. Formes improvisées, elles rappellent par leur spontanéité ses débuts ; il est l’un des membres fondateurs du mouvement artistique canadien des Automatistes et a côtoyé le surréalisme à la suite de sa rencontre avec André Breton en 1947. Pour autant, malgré une certaine proximité avec Jackson Pollock ou Mark Tobey, Riopelle se maintient toujours dans un certain naturalisme. Chasseur et pêcheur passionné, l’artiste laisse une place importante au monde animal dans son œuvre (Les Oies sur la ville, 1983). Mais cela s’illustre surtout dans ses sculptures, moins connues, où les animaux, métamorphosés et associés à des personnages, sont traités avec une grande finesse (Femme hibou, 1969-1970, Hibou-trappeur, 1970).

Sans remettre en question la valeur de cet artiste, capable de s’exprimer intensément avec toutes les techniques des arts plastiques, on peut se demander si sa notoriété est dissociable du statut exceptionnel dont il jouit au Canada.

Jean Paul Riopelle, Parfums d’ateliers,
jusqu’au 12 novembre, Fondation Maeght, 623, chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul de Vence.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Jean Paul Riopelle, la voix du Canada

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