Art ancien

Les Russes et les Asiatiques soutiennent le marché

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2017 - 831 mots

Si Christie’s préfère désormais organiser ses ventes de tableaux anciens en avril, Sotheby’s tient bon grâce aux enchérisseurs russes et asiatiques en surfant sur certaines modes comme celle du caravagisme.

NEW-YORK - Depuis l’année dernière, le calendrier des ventes de tableaux anciens à New York a été remanié chez Christie’s. Prétextant des ventes trop proches de celles de Londres en décembre, toujours à la conquête de nouveaux marchés, la maison de ventes les a déplacées en avril, dans le cadre de ce qui a été baptisé « Classic Art Week » regroupant des ventes de catégories « anciennes », peinture, sculpture ou antiquités. Paradoxalement, les ventes de dessins anciens restent programmées en janvier. Un choix de date qui semble à ce jour justifié puisque la vente s’est bien déroulée. Christie’s a non seulement enregistré un résultat au-dessus de son estimation haute (au total 6,2 M $), mais a doublé son résultat de l’an passé.

Cependant, force est de constater que sans Christie’s, moins de collectionneurs se déplacent. « L’exposition et la salle étaient plus clairsemées », notait un observateur du marché. Reste que les conservateurs étaient présents, signe qu’à leurs yeux, le marché new-yorkais dans la discipline se situe bien en janvier. La vente de tableaux anciens de Sotheby’s « n’était pas facile, car il n’y avait pas de lots phares du fait d’un manque d’œuvres sur le marché en ce moment », selon Nicolas Joly, expert en tableaux anciens, avant de poursuivre, « mais avec le peu qu’il y avait, Sotheby’s a quand même obtenu un résultat correct avec des prix assez inimaginables ». Au total, l’OVV a engrangé 27,2 millions de dollars (25,80 M €), dans les limites de son estimation. Elle n’a pu égaler sa vente de l’an dernier qui avait atteint 53,4 millions de dollars grâce à l’adjudication de Danäe, d’Orazio Gentileschi à 30,5 millions de dollars au Getty Museum (est. 25 à 30 M $). Cette année encore, la vente comportait une œuvre du maître italien, mais de bien moindre envergure : Tête d’une femme n’a même pas atteint son estimation basse (2 M $) et a été adjugée 1,8 million de dollars. Certes, le tableau n’était pas en bon état et peut-être même un peu trop moderne, pas assez baroque. Raréfaction des œuvres oblige, Sotheby’s a inclus dans sa vente les tableaux anglais pour remplir le catalogue. Auparavant, ces derniers faisaient l’objet d’une vente à part. Elle a également adjoint la sculpture, comme cette Vierge à l’Enfant d’Andrea della Robbia, vendue à un collectionneur russe 552 500 dollars (est. 150 à 250 000).

Le Caravage et Boticelli,  des prix exponentiels
Quelques lots ont largement dépassé leurs estimations initiales, à l’instar d’une étude de cheval et son cavalier, dont l’attribution à Rubens fait débat, emportée à 5 millions de dollars (est. 1 à 1,5 M $). Plusieurs bons connaisseurs de Rubens pensent en effet que ce tableau ne serait pas de sa main. Quoiqu’il en soit, celui qui en a fait l’acquisition en 2015 à Amsterdam comme étant d’après Van Dyck a fait une belle culbute : « Il l’avait payé moins de 20 000 euros ! »,  assure un connaisseur du marché. Un tableau d’Adam de Coster, Jeune femme tenant une quenouille devant une bougie, a été adjugé 4,8 millions de dollars (est. 1,5 à 2 M $), un record pour l’artiste. En 1992, il avait été vendu 418 000 dollars. « Sotheby’s surfe sur l’intérêt grandissant pour le caravagisme. Il y a vingt ans, ce tableau aurait fait entre 60 000 et 120 000 dollars. Mais depuis dix ans, il y a eu tellement d’expositions sur le sujet que la demande a explosé », soulignait Nicolas Joly. Les Russes et les Asiatiques sont très demandeurs pour ce genre d’œuvres. De même, ils recherchent des sujets dans la veine de Jérôme Bosh, mais aussi tout ce qui est estampillé « Botticelli et atelier », telles les deux œuvres de la vente acquises par deux collectionneurs russes, chacune pour 792 500 dollars.

La plus grosse surprise revient à Flora, de Willem Drost qui a pulvérisé son estimation de départ (400 000 à 600 000 $) pour atteindre 4,6 millions, un record mondial pour l’artiste. L’œuvre a été adjugée à un collectionneur américain contre le marchand Otto Naumann. Une des particularités du marché new-yorkais est que les particuliers sont très actifs, parfois au détriment des marchands, qui jettent l’éponge. « Ce sont eux qui tiennent le marché, contrairement à Londres », commentait Nicolas Joly.
Si l’année 2016 a enregistré une baisse sensible dans la spécialité – à New York, Londres et Paris, Christie’s et Sotheby’s ont totalisé 268,6 millions d’euros en 2015 contre 231,1 en 2016, soit une chute de 14 % – cette première vente de l’année n’augure pas pour l’instant un revirement de situation.

Sotheby’s, master paintings and sculptures, le 25 janvier

Total : 27,2 M $ (25,8 M $)
Estimation : 19,8 à 28,3 M $
Nombre de lots vendus : 34 sur 55 (61,8 %)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : Les Russes et les Asiatiques soutiennent le marché

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