PARIS
La Galerie 75 Faubourg accueille la première exposition personnelle en France de Yuree Kensaku.

Paris. Durant toute sa carrière de galeriste, de 1988 à son décès en 2020, Enrico Navarra (né à Paris en 1953) a accordé une très grande importance à l’activité éditoriale. Grand passionné et défenseur de Jean-Michel Basquiat, il publiait, en 1996, une monographie conséquente, suivie par une trentaine de catalogues. Il en a également consacré à Keith Haring, Kenny Scharf, Bernar Venet, Claude Viallat, Yue Minjun… ainsi qu’à l’architecte Tadao Andō. Il fut aussi l’un des premiers à s’intéresser à des scènes alors peu connues et émergentes, avec le lancement de la collection « Made by… », composée d’importants ouvrages consacrés aux artistes chinois « Made by Chinese » (trois volumes en deux coffrets !), indiens (avec « Made by Indians »), arabes, brésiliens ou thaïlandais.
C’est dans ce contexte que l’équipe de la galerie 75 Faubourg, aujourd’hui dirigée par son fils Doriano, organise la première exposition personnelle en France de l’artiste nippo-thaïlandaise Yuree Kensaku (née en 1979 à Bangkok). Réunissant deux sculptures et une quinzaine d’œuvres récentes, l’ensemble convoque tout l’univers de l’artiste avec d’une part un important jeu de matières dans ses peintures au spray ou à l’acrylique sur toile ou sur lin comportant des collages de feuilles de cuivre, d’or ou d’argent, des rajouts de paillettes, de filet anti-insectes marouflé, de coton tufté, de chaînes en métal, de fils en polyester... ; avec d’autre part, un monde peuplé d’animaux de tous poils et de toutes sortes, chats, lapins, poissons, crustacés, insectes surdimensionnés, dauphins avec lesquels jouent, chevauchent ou se débattent aussi bien l’avatar de l’artiste que des personnages inspirés de mangas ou d’animés, dans des aventures ou saynettes kawai. Le tout dans une ambiance (souvent empreinte de mythologie thaïlandaise) très pop et colorée, fraîche, gaie. Mais à première vue seulement, car en y regardant de plus près, le monde de Yuree Kensaku est loin d’être aussi rose et acidulé que les tonalités qu’elle utilise. Elle s’en sert au contraire de façon grinçante pour évoquer catastrophes et problématiques sociétales diverses, pêche abusive, parcours labyrinthiques, cause LGBTQ+, questions de santé et de maladie. Une mouche peut ainsi prendre forme humaine et devenir démoniaque ou, ailleurs, le personnage d’une sirène « Gogi », tel un autoportrait, qui combat des insectes venimeux, autres scorpions et mille-pattes.
Entre 6 000 et 50 000 euros pour les tableaux (et 1 000 euros pour les sérigraphies et 18 000 pour la paire de sculptures), les prix sont raisonnables pour une artiste de 46 ans, certes peu connue en France, mais très appréciée en Asie, du Japon à la Chine, Corée, Thaïlande où elle travaille avec deux importantes galeries à Bangkok (Tang Contemporary Art et la 100 Tonson Gallery). Elle a également participé à de nombreuses biennales et expositions internationales et est présente dans d’importantes collections particulières et muséales.
L’art en héritage à la Villa Navarra
Galerie. En juin 1988, Enrico Navarra ouvre sa première galerie au 75, rue du Faubourg-Saint-Honoré, avec une exposition consacrée à Marc Chagall dont il connaissait bien la veuve. En novembre 1989, il organise sa première exposition consacrée à Jean-Michel Basquiat, amorçant une série de plus de trente présentations de l’artiste dans le monde, de Taïwan en 1996 à Château La Coste (Aix-en-Provence) en 2019. En 1995, il déménage la galerie quelques centaines de mètres plus loin, pour disposer d’un espace plus vaste au 16, avenue Matignon. Il le ferme en 2005 pour ouvrir quelques années plus tard la galerie 75 Faubourg, là où il avait commencé. Dès 1989, Enrico Navarra acquiert une maison au Muy, dans le Var, qu’il transforme et développe considérablement, confiant à l’architecte Rudy Ricciotti la construction de la Villa Navarra, destinée à la fois aux expositions et à l’accueil d’artistes en résidence. À son décès en 2020, son fils Doriano reprend le flambeau (il a alors 25 ans) en gardant la quasi-totalité de l’équipe de la galerie. « Nous allons continuer à travailler avec certains artistes historiques, comme Jean-Michel Basquiat, Keith Haring ou Kenny Sharf et nous nous consacrons d’autre part à la prospection et la représentation de nouveaux artistes plus jeunes », précise-t-il. Yuree Kensaku en est un bel exemple.
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Les métamorphoses de Kensaku
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Les métamorphoses de Kensaku





