Analyse - Un monde pluriel

Le Top 40 des galeries d’art contemporain en France (III)

Entre Gagosian et Zürcher se dessinent plusieurs catégories de galeries selon la notoriété des artistes qu’elles représentent

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2016 - 1631 mots

Dernier volet de l’enquête sur les galeries d’art contemporain installées en France produit par Alain Quemin, avec ici le sous-classement établi en fonction de la visibilité des artistes représentés par chaque galerie.

Les résultats présentés dans le tableau ci-dessous sont fondés sur la moyenne du rang occupé, pour chaque galerie, par dix artistes qu’elle représente et qui apparaissent dans les plus hautes places du classement mondial effectué par la société Artfacts.net (lire l’encadré).

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Ce nombre de 10 artistes a été retenu parce que certaines galeries, même parmi celles qui figurent assez haut dans le palmarès, représentent parfois moins de 20 artistes. Ceci peut sembler surprenant, tant l’importance d’une galerie est généralement associée à un nombre d’artistes qui peut s’étendre très au-delà de la norme – laquelle se situe aux alentours de 30 artistes. Le fait est que, pour une dizaine des quarante galeries considérées, ce chiffre descend pourtant en dessous de 20. Si les galeries les plus établies font état d’un nombre élevé d’artistes – Gagosian indique sur son site pas moins de 121 artistes « présentés » (sans d’ailleurs préciser lesquels sont réellement représentés) (!), Thaddaeus Ropac, qui arrive en deuxième position de ce point de vue, en mentionne 57, la galerie Continua 51, Daniel Templon 50, Karsten Greve 49, Perrotin 48, Almine Rech 47, Marian Goodman 45, Nathalie Obadia et Xippas 44, la Galerie Lelong 40. D’autres galeries importantes se situent dans la moyenne à l’exemple de Chantal Crousel, avec 32 artistes représentés, et de Kamel Mennour avec 29 noms au compteur. À l’autre extrémité de l’échelle se trouvent les galeries Jocelyn Wolff, Jérôme Poggi, gb agency et Zürcher qui n’en défendent chacune que 17, Thomas Bernard-Cortex Athletico, 16, et même, pour les galeries Marcelle Alix et Frank Elbaz, seulement 14 !

Le poids des 10 premiers artistes
Il convient de signaler que la moyenne du rang des dix premiers artistes est souvent un chiffre représentatif du poids relatif du rang de l’ensemble de la liste des artistes. Considérer les vingt premiers, par exemple, n’affecterait qu’à la marge le classement. Ainsi, les galeries Thaddaeus Ropac et Marian Goodman sont au coude-à-coude, Ropac arrivant légèrement en tête si l’on considère la moyenne du rang des dix premiers artistes, mais juste derrière sa consœur américaine si l’on retenait les vingt premiers d’entre eux. Ce choix n’a que peu d’incidence ici. Par ailleurs, beaucoup de galeries admettent réaliser l’essentiel de leur chiffre d’affaires avec une dizaine de noms, le bas de leur liste d’artistes faisant fonction de pépinière de jeunes talents pour le futur (la galerie Kamel Mennour sait, mieux que toute autre, mener en quelques années de très jeunes artistes à une bien plus forte visibilité – voire à la consécration).
Quelques artistes peuvent introduire un peu de confusion dans le palmarès relativement au rang des artistes, certains étant représentés par plusieurs galeries ; l’archétype en est François Morellet, lequel est encore lié à un nombre considérable de galeries installées en France. Mais, là encore, ces effets restent limités et sont dilués dans les moyennes.

Plusieurs catégories de galeries
Outre le rang de chaque galerie relativement à la visibilité de ses artistes – dont la principale surprise est la position lointaine (14e) occupée par la Galerie Perrotin, alors qu’elle dispose de locaux absolument remarquables –, le plus intéressant réside dans les effets de seuil et les groupes qui se dessinent. La Galerie Gagosian, qui, au fil des ans, a réussi à attirer des artistes et des successions d’artistes parmi les plus importants, caracole en tête sur le marché français (moyenne des rangs : 7 !). Seules deux galeries –situées dans un mouchoir de poche –, Thaddaeus Ropac et Marian Goodman, parviennent à s’en approcher (respectivement rangs 25 et 35). L’on se trouve ici dans les plus hautes sphères de l’art contemporain international, celui des galeries qui attirent les artistes stars.
À bonne distance se situe un ensemble composé de Lelong, Chantal Crousel et Continua, soit trois galeries aux profils très différents : la première rassemble surtout des artistes contemporains « historiques » poids lourds du marché, la deuxième excelle dans les artistes très prisés des institutions, la troisième occupe une position intermédiaire entre les deux précédentes. Plus loin viennent les galeries Almine Rech et Karsten Greve, très proches l’une de l’autre, puis à confortable distance mais groupées, de la 9e à la 13e position (avec des rangs moyens compris entre 224 et 247), les galeries Templon, Taka Ishii, Kamel Mennour, Max Hetzler et Peter Freeman, qui représentent des artistes à la notoriété très établie, mais qui gèrent très peu de successions.

Ensuite, l’écart se creuse encore par rapport à Air de Paris puis entre cette dernière et ses suiveuses, Nathalie Obadia, Michel Rein, gb agency et mor charpentier. À partir de la galerie Jocelyn Wolff, et même si celle-ci participe à la prestigieuse foire Art Basel, l’univers n’est plus le même, puisque le rang moyen Artfacts.net des dix premiers artistes se situe en dessous de 1 000. Au regard du rang moyen des artistes, le monde des galeries d’art contemporain installées en France apparaît donc extrêmement segmenté et hiérarchisé.

Le classement Artfacts.net

Le rang des artistes, qu’ils soient vivants ou décédés, est issu du classement mondial établi par la société Artfacts.net que les lecteurs du Journal des Arts connaissent puisqu’il permet de produire le palmarès annuel « Artindex ». Ce rang est calculé en fonction du nombre d’expositions et de la notoriété des lieux d’exposition dans le monde. Plus un artiste expose, en particulier dans des lieux prestigieux, plus il acquiert de points. Artfacts.net ne prend pas en compte les ventes des artistes et ne considère que la présence des artistes dans les expositions dans les musées, biennales, centres d’art ou galeries. L’enrichissement de la base est réalisé par les équipes d’Artfacts.net et il est totalement gratuit. La liste des expositions par artiste peut être consultée gratuitement sur le site www.artfacts.net. Si néanmoins des erreurs apparaissent, galeries et artistes peuvent les signaler sur : www.artfacts.net/about_us_new/?F_A_Q,I_am_an_artist

Erratum : Deux coquilles se sont introduites dans les classements. La galerie Nathalie Obadia se situe en 3e position (et non pas en 2e position ex aequo avec la galerie Perrotin) du sous-classement réalisé en fonction de la présence commerciale des enseignes. Les galeries Chantal Crousel, Peter Freeman, Almine Rech et Jocelyn Wolff sont toutes classées 9es ex aequo dans ce même classement, tandis que nous confirmons la 13e place d’Ishii Taki, et la 14e place ex aequo d’Art : Concept et de Continua, toujours dans ce même sous-classement.

ENQUETE GALERIE

6e / Emmanuel Perrotin - L’international

Emmanuel Perrotin a commencé modestement, en organisant ses premières expositions dans son appartement, puis dans sa petite galerie du 13e arrondissement de Paris, à la grande époque de la rue Louise-Weiss, dans les années 1990. Le succès aidant, il s’est installé en 2005 dans le Marais, rue de Turenne, en s’étendant progressivement dans des espaces luxueux. Après une tentative infructueuse à Miami, il a ouvert, en 2013, une antenne dans le très chic Upper East Side de New York, sur Madison Avenue, mais va prochainement le quitter pour investir, en 2017, un très vaste bâtiment du Lower East Side. Installé également à Hongkong puis à Séoul, il annonce une nouvelle implantation à Tokyo. À son actif : des locaux magnifiques et un fort ancrage en Asie. La liste des artistes représentés, pour beaucoup composée d’artistes en milieu de carrière et très visibles, s’est récemment enrichie de l’arrivée de nouveaux artistes historiques tels Pierre Soulages et Heinz Mack, au côté des déjà présents Erró, Soto ou Germaine Richier.

8e / Daniel Templon - Le roc

En exactement cinquante ans de carrière, Daniel Templon est devenu une institution du monde des galeries d’art contemporain. Installé d’abord à Paris rue Bonaparte, rive gauche, dans un petit local, en sous-sol puis en étage, il a été parmi les tout premiers à miser sur le quartier du Marais en s’installant rue Beaubourg, avant même l’ouverture du Centre Pompidou. S’inspirant du modèle new-yorkais des galeries de SoHo, il a investi une ancienne fabrique dont la surface, alors, semblait immense pour Paris. Après avoir étendu son emprise à l’impasse Beaubourg et, un temps, tenté l’aventure dans le très chic 8e arrondissement, il est revenu dans son espace du 3e et a parallèlement ouvert une antenne à Bruxelles, aujourd’hui dirigée par son fils Mathieu. Signe particulier, là où d’autres galeristes expérimentés ont laissé leur « roster » vieillir avec eux, Daniel Templon a su constamment se renouveler, avec un jugement assuré. La liste des expositions de la galerie permet ainsi de retracer l’essentiel de l’histoire de l’art contemporain des cinquante dernières années.

26e / Fabienne Leclerc - La nomade

Ex-assistante de Daniel Templon, passée par la revue Artstudio, Fabienne Leclerc a d’abord ouvert, en 1989, une galerie de 27 mètres carrés sise rue des Archives, dans le Marais, avec une première exposition consacrée à Philippe Parreno et Pierre Joseph, puis à Gary Hill, pour sa première exposition au monde ! Associée avec Christophe Durand-Ruel, elle a ensuite occupé, de 1991 à 1998, le second espace que la Galerie Templon avait un temps quitté, impasse Beaubourg. Après trois ans de pause, Fabienne Leclerc a ouvert une nouvelle galerie, dénommée « In Situ », rue Duchefdelaville, dans le 13e arrondissement, puis rue du Pont-de-Lodi dans le 6e (précisément là où Kamel Mennour a emménagé par la suite) avant de retrouver le Marais, rue Michel-Le-Comte, en premier étage puis au rez-de-chaussée d’un même bâtiment. Les pérégrinations de l’active galeriste ne sont pas finies : elle inaugurera en janvier un vaste espace, dans le 18e arrondissement, situé près de la place Stalingrad. Soit un choix d’adresse osé, mais qui correspond bien à l’audace dont sait faire preuve Fabienne Leclerc.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : Le Top 40 des galeries d’art contemporain en France (III)

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