Le marché des œuvres symbolistes, qui a connu des hauts et des bas depuis son retour à la fin des années 1960, connaît actuellement un regain d’intérêt.
La dispersion de la collection du marchand Gérard Lévy en février chez Artcurial, un ouvrage des éditions Citadelles & Mazenod qui paraît en avril, une exposition à la galerie Artwins (Paris) ou encore « La porte des rêves », au Musée Ordrupgaard (Danemark) jusqu’au 15 juin, l’actualité est bouillonnante autour du symbolisme. À la fin des années 1880, dans un monde dominé par le matérialisme et les conséquences de la révolution industrielle, les artistes se détournent du réel pour questionner l’invisible et approfondir une représentation idéaliste du monde. Ce courant n’est pas facile à cerner. « Il n’est pas une esthétique ou un style formel à proprement parler. Il y a autant d’esthétiques que d’artistes symbolistes», souligne l’historien d’art Jean-David Jumeau-Lafond. « C’est un mouvement protéiforme qui n’est pas enfermé dans des dates précises. Je le vois comme un état d’esprit», précise la collectionneuse et galeriste parisienne Lucile Audouy. Les symbolistes – parmi eux, Gustave Moreau, Odilon Redon, Lucien Lévy-Dhurmer, Ferdinand Hodler, Gustav Klimt, ou Carlos Schwabe – renouent avec le mystère, l’imaginaire, le rêve et invoquent le retour à l’intériorité. Certains s’attachent à représenter des ambiances vaporeuses, des paysages idylliques et des femmes idéalisées, tandis que d’autres montrent les ténèbres intérieures, des univers ponctués d’hallucinations, de chimères et autres femmes fatales. Tombé dans l’oubli puis redécouvert à la fin des années 1960 – notamment grâce à Gérard Lévy –, le symbolisme a connu un fléchissement dans les années 1980, puis un retour en grâce à la fin des années 1990, avant d’être un peu éclipsé puis à nouveau remis en évidence, il y a 6 ou 7 ans, à la faveur de plusieurs expositions. Si les enchères ont toujours été soutenues pour les pièces majeures, « les résultats de la vente Lévy indiquent un vrai regain d’intérêt. Le marché est très fort pour les œuvres marquantes, aux images puissantes, bien identifiées et très représentatives d’un courant», note le marchand Mathieu Néouze (Paris). « Le symbolisme est aujourd’hui plus que jamais mis sur le devant de la scène. Je ressens un besoin général d’un retour au spirituel et à l’immatériel. Cela s’explique sans doute par la période troublée que nous traversons», estime la galeriste Caroline Thieffry (Artwins).
Adjugé à 131 200 €
1. Pastel - Dans la vente de la collection Lévy, les très belles pièces ont largement dépassé leur estimation haute, à l’instar de cette œuvre d’Edgar Maxence. « Il y a un intérêt soutenu pour les symbolistes connus et de haute qualité. Mais il y a aussi un intérêt plus fin pour les œuvres moins vues, plus subtiles, des images intrigantes, féeriques, mystérieuses », a observé Jean-David Jumeau-Lafond. « La provenance a, à mon avis, fortement joué pour des œuvres moins importantes qui auraient sans doute atteint des résultats plus faibles dans un autre contexte », a analysé le marchand Mathieu Néouze.
Vendu chez Artcurial, le 11 février 2025.
2. Aquarelle - Gustave Moreau est l’un des artistes les plus emblématiques du mouvement, dont il est le pionnier. Cette image illustre parfaitement son univers onirique et son obsession pour un thème qu’il a maintes fois abordé. En effet, à partir de 1876, il représente régulièrement cette femme insaisissable, entourée d’un ou plusieurs griffons. Différentes versions sont conservées à Paris au Musée Gustave-Moreau et dans des collections particulières. Le record aux enchères pour une œuvre de Gustave Moreau a été établi par Le Poète et la Sirène (1892-1893), adjugé 3 millions d’euros chez Sotheby’s New York en 1989.
Vendu chez Sotheby’s, le 25 mars 2021.
3. Pastel - Ce pastel était le lot phare de la collection Gérard Lévy (1934-2016), qui a rapporté en tout 1,6 million d’euros (sur une estimation haute fixée à 745 100 €) – la partie consacrée aux tableaux a atteint 1,4 M€. « La particularité de ce marché prospère est que nous avons affaire à une clientèle extrêmement exigeante, de connaisseurs. C’est un marché mûr où les acteurs sont sages et ont la tête froide. En revanche, ils sont prêts à monter à des prix importants à partir du moment où le travail est bien fait, longtemps en avance, avec des estimations intelligentes, ni trop basses, ni trop hautes, construites et réfléchies », a commenté Matthieu Fournier, à la tête du département Maîtres anciens et XIXe chez Artcurial.
Vendu chez Artcurial, le 11 février 2025.
4. Gouache - Ce portrait en pied, à la composition dépouillée, représente une figure féminine emblématique de la fin du XIXe siècle, inspiré de la pièce symboliste de Maurice Maeterlinck Pelléas et Mélisande. Ici, Carlos Schwabe réussit à capter la profondeur émotionnelle, montrant son attachement à la pureté du dessin et à la perfection de la ligne. Grâce à l’originalité de sa technique, il va participer au renouveau de l’illustration de livres. En 1924, il illustre d’ailleurs Pelléas et Mélisande, offrant des images sensuelles, énigmatiques et mystiques. Cette œuvre peut ainsi être vue comme un véritable travail préparatoire à ces illustrations.
En vente à la Galerie Segoura (Saint-Ouen).
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Le symbolisme reprend de l’ampleur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Le symbolisme reprend de l’ampleur