Les grandes ventes de New York et Londres résistent, mais sans enthousiasme.
Londres, New York. À la mi-novembre à New York, 2,1 milliards de dollars [1,9 Md€] ont été adjugés par Sotheby’s, Christie’s et Phillips lors de leurs ventes d’art impressionniste, moderne et contemporain, soit 1 milliard de moins qu’en 2022. L’an passé, 3,2 milliards de dollars – dont 1,6 pour la collection Paul Allen chez Christie’s – avaient été engrangés. À Londres, début décembre, Christie’s et Sotheby’s ont cumulé 41,5 millions de livres sterling [48,4 M€] pour leurs ventes du soir de peinture ancienne, un chiffre en légère baisse par rapport à l’an passé (– 10 %).
« Même si ce n’est pas l’apothéose, le marché tient. Il n’y a pas d’effondrement, car comme il y a une raréfaction des œuvres de qualité d’un côté et une diminution des acheteurs de l’autre, le marché s’équilibre », constate Matthieu Fournier, directeur du département Tableaux anciens chez Artcurial. Pour autant, depuis le Brexit, le marché londonien s’est rétréci en volume.
« Par bien des aspects, les ventes d’art des XXe et XXIe siècles ont offert un visage rassurant : des catalogues de qualité dont plusieurs collections, des taux de vente élevés et des prix parfois records grâce à la prévalence des garants, rapporte le conseiller en art Thomas Seydoux. Les maisons ont réussi à maintenir le marché à des niveaux remarquablement hauts. »
Mais pour rester à de tels niveaux et conserver la confiance du marché, les maisons de ventes ont dû redoubler d’efforts : retirer du catalogue tout lot susceptible de ne pas trouver preneur, réduire les prix de réserve si nécessaire et mobiliser un maximum de garants. D’ailleurs, pour les garanties, 50 % à 75 % de l’offre était concernée, soit davantage que les années précédentes. À titre d’exemple, dans la collection Emily Fisher Landau chez Sotheby’s (425 millions de dollars), 77 % des lots bénéficiaient de garanties de tiers. « Sans elles, New York n’aurait pas réuni d’aussi bons tableaux », estime Thomas Seydoux. « Sur le papier, les résultats restent solides, mais nous assistons à une légère correction du marché », note quant à lui l’expert Thomas Morin-Williams.
Corollaire de ces garanties, les estimations étaient élevées, ce qui a eu pour conséquence que 30 % à 40 %, voire 50 % des œuvres dans chaque vente ont été adjugées sous l’estimation basse. Même chose dans la peinture ancienne, non en raison des garanties (peu pratiquées dans ce marché non spéculatif) « mais parce que, pour les Anglo-Saxons, il faut vendre coûte que coûte », commente un acteur du marché.
Par ailleurs, les écarts se creusent entre le haut du panier et le reste. Seuls les chefs-d’œuvre (des œuvres importantes, de grande taille, de beaux sujets, œuvres décoratives, avec un pedigree impeccable voire une provenance exceptionnelle et un état d’origine), « continuent d’obtenir de bons prix, quoique pas toujours aussi élevés qu’il y a cinq à huit ans », souligne Thomas Seydoux. C’est le cas du lot le plus chèrement adjugé de la saison, Femme à la montre (1932), de Picasso (139,4 M$), issu de la collection Laudau.
Quant aux collectionneurs, ils sont de plus en plus sélectifs, focalisant sur un tableau d’un artiste en particulier au détriment des autres présentés dans la même vente. Fait notable, même si une période ou un mouvement spécifiques ne sont pas nécessairement recherchés, « les artistes actuels, les femmes artistes, ceux issus de minorités ou les artistes à redécouvrir du XXe siècle attirent davantage les enchérisseurs, qui préfèrent se concentrer sur une œuvre de premier choix plutôt que sur une œuvre mineure d’un artiste historique », constate Thomas Morin-Williams.
Combien de temps cette dynamique perdurera-t-elle ? Tout dépendra du bon vouloir des garants, dont les maisons de ventes sont devenues tributaires pour les ventes d’art des XXe et XXIe siècles, tandis que pour la peinture ancienne « il faut maintenir un haut pourcentage de lots vendus – les taux étaient bons dans le contexte actuel (autour de 75 %) – et faire des découvertes », estime Matthieu Fournier. « Sans grosse collection pour porter le marché, les prochaines grandes ventes de New York, Londres et Hongkong devraient continuer à légèrement baisser, mais sans s’effondrer », prédit pour sa part Thomas Morin-Williams.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le marché tient bon mais il est laborieux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°623 du 15 décembre 2023, avec le titre suivant : Le marché tient bon mais il est laborieux