Royaume-Uni - Ventes aux enchères

MARCHÉ DE L’ART

Le marché de l’art britannique reprend un peu de couleurs

GRANDE BRETAGNE

Après le Covid et le Brexit, le marché redresse la pente en Grande-Bretagne, capitalisant sur ce qui fait sa force : une plaque tournante internationale.

Vente de la Dame à l'éventail de Gustav Klimt lors des ventes d'été de Londres organisées par Sotheby's en juin 2023. © Sotheby's
Vente de la Dame à l'éventail de Gustav Klimt lors des ventes d'été de Londres organisées par Sotheby's en juin 2023.
© Sotheby's

Royaume-Uni. Les chiffres en attestent : les effets du Brexit, cumulés à ceux de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine ont été nocifs. La part de marché du Royaume-Uni dans le secteur de l’art au niveau mondial est passée de 34 % en 2008 à 18 % en 2022, selon un rapport de la société Arts Economics pour le BAMF (British Art Market Federation). Le niveau avait cependant été atteint en 2020, avant la sortie officielle de l’Union européenne, avec 9,9 milliards de dollars de ventes [9,1 milliards d’euros].

« Le Brexit a surtout affecté les transactions entre le Royaume-Uni et l’Union européenne », précise Anthony Browne, président du BAMF. Les nouvelles réglementations ont créé de la confusion alors qu’il n’existait pas auparavant de formalités administratives. « Il faut désormais payer la TVA pour exporter du Royaume-Uni vers l’Union européenne, explique Paula Trommel, directrice adjointe de Corinth Consulting, une agence de conseil dans l’achat d’art. De nombreuses galeries ont ouvert un nouveau site en Europe pour contourner toute la bureaucratie consécutive au Brexit. » C’est le cas du marchand d’art David Zwirner, mais aussi Gagosian, White Cube, Hauser & Wirth… Ces contraintes administratives ont aussi contribué à la fermeture de foires britanniques comme les éditions d’été 2023 de Masterpiece et d’Art & Antiques Fair Olympia, qui évoquent l’augmentation des coûts et la diminution du nombre d’exposants internationaux.

Pour autant, Londres est loin d’avoir perdu son attrait. Le nombre de galeries d’art a augmenté de 14 % dans tout le pays depuis 2019 tandis que les ventes sont reparties à la hausse : 15 % en 2021 (11,4 milliards de dollars) mais une hausse modérée, elle a été de 30 % en 2021 dans le monde. « Malgré la persistance des contraintes économiques et politiques, les ventes ont maintenu leur élan en 2022, avec une hausse modérée de 5 % pour atteindre 11,9 milliards de dollars », peut-on lire dans le rapport.

« Les gens prennent l’habitude des formalités post-Brexit, analyse Anthony Browne. Les effets sont aujourd’hui moins sévères qu’ils n’ont pu l’être. » Les artistes trouvent aussi de nouveaux acquéreurs hors de l’Europe. « Cette année, la plupart de mes ventes se sont faites aux États-Unis », confirme l’artiste londonien Hugh Mendes.

Le gouvernement affirme aussi que les effets positifs du Brexit vont bientôt se faire sentir. « Nous avons abrogé le règlement de l’Union européenne qui exigera en 2025 des licences d’importation et des déclarations de l’importateur pour de nombreux biens culturels », a souligné le secrétaire d’État à la culture, Lord Parkinson.

Une plateforme internationale

Alors que les échanges avec le reste du monde n’ont pas été affectés par le Brexit, la force du Royaume-Uni repose surtout sur sa position de centre mondial de l’art. « Ce qui fait sa différence, comme New York ou Hongkong, c’est sa capacité à attirer en un seul endroit les œuvres d’art les plus chères de la planète », estime Anthony Browne. Un argument discutable, comme le prouve le difficile début d’année 2023. Selon le site Art Market, le produit des ventes d’art a perdu 35 % au premier semestre 2023 à cause de la baisse des ventes sur le marché très haut de gamme. En comparaison, au premier semestre 2022, quatre ventes londoniennes avaient dépassé les 50 millions de dollars. Le mois de juin 2023 a permis un rattrapage grâce à la vente d’un chef-d’œuvre de Gustav Klimt par Sotheby’s pour 108,39 millions de dollars.

Brexit ou pas, le marché britannique de l’art veut croire qu’il ne joue pas dans la même cour que ses concurrents européens. Même si ses 18 % de part de marché représentent un certain déclin, il reste en deuxième position à l’échelle mondiale devant l’ensemble du marché de l’Union européenne à 12 % en 2022. « L’importance de Londres en tant que plaque tournante du marché de l’art ne repose pas sur l’approvisionnement local, mais sur les flux d’œuvres d’art qui entrent et sortent », constate le rapport d’Arts Economics. C’est ce qui fait la grande différence avec Paris, malgré le dynamisme du marché national français.

« Londres est aussi la seule méga-cité d’Europe, rappelle Thomas Stauffer, marchand d’art suisse. Il n’y a pas de ville équivalente au niveau de la population, de l’échelle, ni même des écoles d’art. Ces institutions sont de fantastiques incubateurs de nouveaux talents à portée de main des galeries londoniennes. » L’idée que Paris puisse un jour concurrencer Londres ne serait ainsi qu’un mirage. « Londres attire un nombre incroyable d’investisseurs et de riches étrangers, en provenance d’Asie et notamment de Chine, poursuit le marchand d’art. Le Salon des antiquités et beaux-artsMayfair est comme une cour de récréation pour eux, cela n’existe nulle part ailleurs en Europe. » En revanche, la France gagne en puissance sur le terrain des foires internationales. Accueillant 10 % des grandes foires d’art dans le monde en 2023, l’Hexagone se situe juste derrière le Royaume-Uni (12 %).

 

 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : Le marché de l’art britannique reprend un peu de couleurs

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