Ventes aux enchères

Art contemporain

Le marché reprend son souffle

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2015 - 830 mots

Malgré les nombreux lots proposés, Christie’s et Sotheby’s ont moins vendu que l’an dernier. Le marché reste solide, mais plus sélectif.

Voilà plusieurs sessions que les ventes d’art contemporain organisées à New York alignaient record sur record. Les ventes d’automne montrent cette fois que le phénomène s’essouffle et que la folle course en avant ralentit. Avec l’ensemble de leurs vacations, y compris les collections et ventes spéciales, Christie’s et Sotheby’s ont totalisé 1,08 milliard de dollars (1 milliard d’euros). Ce montant pharamineux est pourtant inférieur de près de 30 % au 1,4 milliard de dollars collectés l’an dernier à la même période, tout comme au montant de mai dernier et ce avec un nombre supérieur de ventes. Le taux de vente moyen, d’environ 80 %, prouve que le marché devient plus sélectif. Il faut noter que la domination écrasante de Christie’s observée ces derniers temps se tasse très nettement : la maison de ventes anglaise dont le montant des ventes doublait largement celui de sa rivale, en novembre et mai dernier, totalise cette fois 555 millions de dollars (520 millions d’euros) contre 532 millions de dollars (498,7 millions d’euros) pour Sotheby’s.

Un résultat dopé par la vente Taubman
Si Sotheby’s parvient avec ce total global à faire mieux que l’an dernier, ce n’est que grâce aux 139,2 millions de dollars obtenus par les lots d’art contemporain de la vente de la collection Taubman. Lors de sa seule vacation du soir, Sotheby’s a montré des résultats solides sans grosse défaillance, avec seulement cinq lots garantis. La maison a totalisé 294,8 milliards de dollars (276,8 millions d’euros), un montant dans l’estimation, mais encore une fois inférieur à l’an dernier. L’œuvre star de la soirée était un format monumental de la fin des années 1960 de Cy Twombly, Untitled (New York City), qui a obtenu 70,5 millions de dollars, au-delà de l’estimation de 60 millions de dollars. Le montant, près de vingt fois le prix obtenu par la toile en 1990, offre un nouveau record à l’artiste. Parmi les autres lots phares de la soirée, des toiles signées Warhol, Basquiat, Pollock, Fontana ou Bacon. Un seul autre record a été établi pour Mike Kelley.

Chez Christie’s, la vente du soir a obtenu des résultats plus contrastés : réunissant 331,8 millions de dollars (311,6 millions d’euros), elle a manqué son estimation basse de 350 millions de dollars. Le montant reste très loin du résultat exceptionnel de l’an dernier : même en ajoutant les 134,4 millions de dollars des lots d’art contemporain de la vente « The Artist’s muse » également organisée cette saison, le total de ces deux soirs se hisse à peine à la moitié des 852,8 millions de dollars records obtenus en une soirée en 2014. Une Spider (1996) de Louise Bourgeois et une des toiles ovoïdes Fine di Dio de Fontana ont dépassé les estimations et marqué de nouveaux records, respectivement à 28,1 et 29,1 millions de dollars. Mais plusieurs œuvres ont manqué les montants attendus, à l’instar du lot phare, Four Marilyns (1962) de Warhol.

Estimations surévaluées en cause
L’artiste star des enchères, aux résultats contrastés, offre un bon baromètre des tendances de cette saison. Ainsi si ses iconiques « Marilyn » ont été cédées seulement 36 millions de dollars chez Christie’s (est. 40 à 60 millions de dollars), c’est que, comme un certain nombre d’autres lots de la saison, l’œuvre n’était pas toute fraîche. Elle avait été achetée 38,6 millions de dollars chez Phillips il y a seulement deux ans. L’adjudication en dessous du prix garanti a fait perdre plusieurs millions d’euros à la maison. Les quatre autres lots de Warhol restés invendus chez Christie’s, dont un Flowers Painting, offrent encore des exemples parmi d’autres de lots surestimés et mal (ou pas) vendus cette saison. « Nous avions des estimations un peu fortes », concède Laetitia Bauduin, responsable du département d’art contemporain de Christie’s à Paris. Warhol illustre aussi la tendance à proposer trop d’œuvres, souvent trop similaires – plusieurs dizaines pour lui seul cette semaine. « Il y a trop de lots, trop de propositions, le marché ne peut pas tout absorber », confirme Laurence Dreyfus, art advisor. Du même Warhol, un Mao a atteint 47 millions de dollars chez Sotheby’s, dépassant le montant de sa garantie, une aubaine pour la maison qui gagne quelque millions au passage. Son vendeur, Steven A. Cohen peut ainsi empocher une confortable plus-value : selon le New York Times, ce gestionnaire de fonds spéculatif l’aurait acheté en 2007 à François Pinault pour 17 millions d’euros, preuve que la spéculation va bon train dans certains cas.
Quelles conclusions générales tirer alors pour le marché ? « Les ventes restent solides. Les œuvres bien estimées se vendent, mais tout ne passe pas, le signe que le marché est sain », explique Laetitia Bauduin. De son côté, Laurence Dreyfus note « un ralentissement sérieux lié à la conjoncture et à des éléments structurels » ajoutant, philosophe, « l’arbre ne peut pas monter jusqu’au ciel ».

Tous les prix s’entendent frais compris sauf les estimations indiquées hors frais acheteurs.

Légende photo
Cy Twombly, Untitled (New York City), 1968, vente du 11 novembre, Sotheby's, New York. © Sotheby's.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Le marché reprend son souffle

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