Foire & Salon - Histoire de l'art

L’art moderne, toujours aussi présent

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 23 septembre 2016 - 825 mots

Au Grand Palais et hors les murs, la Fiac confirme son positionnement sur les grands noms de l’art moderne.

En rassemblant une vingtaine de galeries d’art moderne dans le secteur général du Grand Palais, tant parisiennes qu’internationales, la 43e édition de la foire frappe fort. D’autant plus que quelques pépites de l’art moderne sont également disposées alentour, telles que la sculpture monumentale L’Homme supérieur (1927) d’Étienne Béothy proposée à 170 000 euros par la Galerie Le Minotaure et une édition rarissime de La Boîte-en-valise (1941-1963) de Duchamp, présentée par 1900-2000, toutes deux dévoilées au Petit Palais, ainsi qu’un stabile rouge exceptionnel de Calder (Janey Waney, 1969) en provenance de New York (Galerie Van de Weghe) exposé au Jardin des Tuileries.

Réviser ses classiques, mais pas seulement
Pour Jennifer Flay : « L’art moderne, à la Fiac, est en constant développement, d’autant plus que Paris, en tant que berceau du modernisme, est une ville phare. » Les forces en présence, tant portées sur l’abstraction que sur la figuration, s’intéressent principalement aux œuvres nées entre la Première Guerre mondiale et l’après-guerre (les années 1950). Mais, pour certaines, cela ne les empêche pas de montrer des auteurs majeurs dont les créations vont bien au-delà de 1960 – date du Saut dans le vide d’Yves Klein que l’on considère comme déclencheur de l’art contemporain – et qu’on associe à la modernité tant elles sont liées à l’histoire du XXe siècle, c’est le cas de Zoran Music (1909-2005) chez Applicat-Prazan dont la peinture est littéralement habitée par son expérience des camps de la mort et de l’écrivain William S. Burroughs (1914-1997), génial inventeur avant-gardiste du cut-up en littérature, dont la Galerie Semiose montre des productions plastiques pétaradantes.

Concernant les mouvements modernes, on note un net tropisme pour le dadaïsme – Duchamp chez 1900-2000, mais aussi chez GDM qui présente une exposition collective, intitulée « DADA fétiche », de contemporains inspirés par une lettre de 1921 du père du ready-made à Tristan Tzara –, pour le constructivisme et l’abstraction géométrique (Le Minotaure présente un accrochage collectif allant du constructivisme à l’Abstraction Création, pendant que la Galerie Zlotowski expose des constructions géométriques puissantes d’artistes femmes, Sophie Taeuber-Arp et Sonia Delaunay). Le surréalisme n’est pas en reste : chez Natalie Seroussi, une magnifique feuille de Dalí (La Femme visible, la Chasse aux papillons, 1930) côtoie un très beau portrait de Dora Maar de 1935 par Man Ray, photographe que l’on retrouve aussi chez Françoise Paviot dans le cadre d’un autoportrait de la même année jouant sur les distorsions.

Du lourd et du très lourd !
Un artiste incontournable comme Jean Dubuffet (1901-1985), acteur essentiel de l’art brut, est aussi de la partie : de nombreux galeristes (Jeanne Bucher Jaeger, Nahmad Contemporary, Pace, Waddington Custot…) le mettent à l’honneur ; ne pas rater, par exemple, les belles acryliques sur papier entoilé (1984) de la série des Non-Lieux exposées sur le stand Jeanne Bucher Jaeger, pour des prix allant de 350 000 à 500 000 euros. Enfin, en termes de chef-d’œuvre et d’absolue rareté, toujours chez ce même exposant, courez admirer la peinture abstraite de 1913 signée Kandinsky : ce joyau inestimable, dont le prix serait entre 5 et 10 millions d’euros, provient d’une collection étrangère privée et n’a pas été montré au public depuis plus de… 100 ans !

Nos coups de coeur

Marcel Duchamp
Artiste phare du XXe siècle, l’iconoclaste Marcel Duchamp (1887-1968) s’attelle, de 1935 à 1940, aux répliques de ses œuvres pour la « mise en boîte d’un musée portable ». Faisant un inventaire de ses productions passées, dont les fameux ready-made, en confectionnant des versions miniatures, l’artiste désacralise l’objet d’art unique en montrant que sa reproduction et sa mise en scène peuvent aussi prétendre au statut d’œuvres d’art. L’iconique Boîte-en-valise (1941-1963) proposée par David Fleiss, qui fait partie d’une série de 30 exemplaires non numérotés et signés par Duchamp, est vendue à 400 000 euros.

William S. Burroughs
Inventeur du cut-up, procédé littéraire consistant à créer un texte à partir d’autres fragments textuels, William S. Burroughs (1914-1997), associé à la contre-culture américaine, était non seulement un écrivain majeur du XXe siècle mais aussi un plasticien expérimentant à tout-va : il a ainsi consacré les quinze dernières années de son existence presque exclusivement à la peinture. La pièce maîtresse du stand de Benoît Porcher, Mink Mutiny (1987), qui mêle collages, impacts de balles et explosions de peinture, est caractéristique de la Beat Generation, scène libertaire traversée par la pensée chamanique ; prix compris entre 70 000 et 80 000 euros.

Zoran Music
[Galerie Applicat-Prazan] Considéré comme l’un des peintres les plus importants du XXe siècle, Zoran Music (1909-2005), après s’être consacré dans les années 1970 au souvenir obsédant de la déportation dans sa magistrale série Nous ne sommes pas les derniers – l’artiste a été déporté en 1944 à Dachau –, réalise, au soir de sa vie, une série d’autoportraits dans lesquels l’artiste, voyant sa silhouette s’effacer, disparaît dans la peinture : le tableau La Poltrona Grigia, huile sur toile de 1998 qui dévoile un vieil homme gris assis, sur fond gris, dans un fauteuil gris, montre le créateur cheminant vers sa propre fin. Prix : 500 000 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°694 du 1 octobre 2016, avec le titre suivant : L’art moderne, toujours aussi présent

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