Art moderne

La sculpture animalière

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 2 mars 2021 - 1030 mots

Domestiques ou sauvages, seuls ou en groupe, les animaux sculptés font battre le cœur des collectionneurs.

Collectionner -  Si les sculpteurs ont de tout temps immortalisé la figure animale, le mouvement animalier a véritablement débuté avec Antoine-Louis Barye en 1850, « alimenté par les fonderies d’art de haute qualité qui ont vu le jour à la suite de la révolution industrielle », explique le marchand londonien Edward Horswell (The Sladmore Gallery). La pratique s’est ensuite amplifiée jusqu’à atteindre son apogée à la fin du XIXe et début du XXe. Selon l’époque, l’approche artistique est différente : au XIXe, la représentation de l’animal est plus réaliste. « Elle est d’origine romantique, batailleuse, excessive : elle aime les combats », détaille Alain Richarme (Galerie Univers du bronze). Au XXe, la sculpture se fait plus douce, plus en rondeur, privilégiant la forme et supprimant le superflu. « À cette époque, le mouvement est dominé par la France avec l’école du Jardin des plantes et la Belgique avec celle du zoo d’Anvers. Il y a aussi un courant en Suisse, mené par Sandoz », raconte le marchand parisien Xavier Eeckhout. Plâtre, terre cuite, pierre ou marbre, tous les matériaux sont utilisés, même si le marché se concentre essentiellement sur le bronze, « matériau le plus noble, permettant d’obtenir des nuances de patine », commente le marchand Nicolas Bourriaud.

Dans le domaine, certains artistes tiennent le haut du pavé. « Il y a trois grands créateurs : Antoine-Louis Barye (le fondateur), Rembrandt Bugatti (le génie de la ligne) et François Pompon (le constructeur de forme qui applique la leçon simplificatrice du Balzac de Rodin) », observe Alain Richarme. Quant à François-Xavier Lalanne (1927-2008), il est la star du moment dans la spécialité et a vu ses prix se multiplier par dix ces dix dernières années.

L’engouement pour ce genre de sculptures relève avant tout du sujet – plaisant, universel et intemporel. L’intérêt se porte sensiblement sur les animaux exotiques d’Afrique. « Les félins sont parmi les sujets les plus recherchés, que ce soit chez Bugatti ou chez Guyot, et certaines œuvres iconiques comme les éléphants de Bugatti ou l’ours blanc de Pompon », observe Daphné Riou, à la tête du département Design chez Christie’s New York et en charge de la vente La Ménagerie. Côté prix, ils ont explosé ces dix dernières années, avec une concentration sur les œuvres haut de gamme. Pour une belle pièce du XIXe, il faut débourser aux alentours de 10 000 euros, et de 30 000 à 50 000 euros pour une œuvre du XXe. D’une manière générale, la fourchette de prix oscille entre 5 000 et plus de 2 millions d’euros.

 

Questions à… Xavier Eeckhout, galerie Xavier Eeckhout, Paris

Qui a contribué à l’engouement pour ce marché ?
Les galeries spécialisées, en remettant au goût du jour des artistes plus confidentiels comme Marcel Lémar ou Roger Godchaux ; mais aussi les musées qui exposent depuis une vingtaine d’années davantage le genre (Orsay à Paris, La Piscine à Roubaix) et qui ont organisé plusieurs expositions (« Beauté animale » au Grand Palais, 2012).
Qu’est-ce qui fait le prix d’une œuvre ?
La cote de l’artiste, le sujet, la qualité de la fonte (une belle épreuve vaut plus cher), mais aussi le nombre de tirages. Au XXe, contrairement au XIXe, les œuvres ont été éditées en petit nombre, ce qui les rend plus rares, donc plus chères.
Quels seraient vos conseils pour commencer une collection ?
Il faut acheter les œuvres auprès de personnes qui vont garantir une authenticité et éviter les ventes publiques s’il n’y a pas d’expertise, car dans ce cas, il n’y a pas de garanties. Il faut privilégier les œuvres peu éditées, pas forcément d’artistes connus mais avec des fontes de qualité. Il faut également choisir un thème commercial, comme le félin. Attention aux faux et aux fontes posthumes (sauf quand elles sont réalisées avec un héritier).
Au-delà de 2 M€

1_The Sladmore Gallery Réalisé selon le procédé de la cire perdue à la fonderie Hébrard (Paris), ce bronze de Rembrandt Bugatti (1884-1916) représente le grand fourmilier (1909), l’un des mammifères les plus rares du zoo d’Anvers à l’époque. Bugatti est sans nul doute le plus prisé des sculpteurs animaliers. « Ses longues heures d’observation combinées à sa capacité à se concentrer sur les caractéristiques particulières de chaque espèce donnent à ses modèles une vérité anatomique, une intensité d’attitude et d’émotion inégalée, donnant vie au bronze lui-même », commente Edward Horswell. Parce qu’il est mort jeune et que son fondeur avait fait le choix de limiter dès le début le nombre de fontes, ses œuvres sont rares sur le marché.


400 000 €

2_Galerie Xavier Eeckhout Achetée par le collectionneur Jacques André en 1928 au Salon des Tuileries à l’artiste lui-même pour 7 000 anciens francs, cette Panthère noire de François Pompon (1855-1933) de 1925 est l’une des plus emblématiques du sculpteur, avec l’Ours blanc(1922). Figurant ses animaux avec une économie de moyens et une sobriété des formes, Pompon a réellement modernisé la sculpture animalière. Il est le fondateur, en 1931, du Groupe des douze, qui réunit les plus grands dans la spécialité, entre autres, Jouve, Guyot, Artus et Lémar.


756 750 €

3_Sotheby’s & Piasa Cet Éléphantd’Antoine-Louis Barye (1795-1875) de 1832, fondu par Honoré Gonon et ses deux fils, est une pièce unique. Il faisait partie de la prestigieuse Collection Fabius Frères, dispersée aux enchères en octobre 2011 chez Sotheby’s. François Fabius, héritier d’une grande lignée d’antiquaires était, comme son grand-père Élie, passionné par les bronzes de Barye. Pionnier dans la représentation très naturaliste des animaux, Barye possède une cote très variable, car il a largement été édité, avec plus ou moins de soin.

 
150 000 €

4_Univers du bronze Formé à la sculpture par Antonin Mercié, Édouard-Marcel Sandoz (1881-1971) se lance après 1905 dans la création d’une série de petites sculptures animalières dans un style cubiste. La pénurie de matériaux provoquée par la Première Guerre mondiale le ramène à sa passion d’origine pour la céramique, et il crée une gamme de vaisselle en forme de canards, poissons, chats ou grenouilles pour la fabrique de porcelaine Haviland, à Limoges. Il recrée ensuite ce bestiaire en marbre, albâtre, bronze ou pierre semi-précieuse, comme cette pièce unique, Poissons de 1935-1938 (améthyste, taille directe).

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°742 du 1 mars 2021, avec le titre suivant : La sculpture animalière

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque