Justice

La justice ordonne la communication des certificats d’exportation d’œuvres

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 28 février 2018 - 549 mots

Le litige avait été porté par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de France.

Paris. En 2014, une statue à l’effigie d’Antinoüs du XVIIe siècle, provenant d’une collection française, rejoignait le Getty Museum à Los Angeles. La Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) avait regretté que cette pièce ait pu obtenir un certificat d’exportation, bien que portant un numéro des bronzes de la Couronne de France. Pour qu’une œuvre de plus de 50 ans d’âge et d’une certaine valeur financière (plus de 150 000 euros pour une peinture et plus de 50 000 euros pour une sculpture) puisse circuler et être vendue en dehors des frontières, son propriétaire doit demander un certificat d’exportation d’un bien culturel, qui a valeur permanente pour les œuvres de plus de 100 ans. Dans l’immense majorité des cas la Direction des musées de France délivre ce sésame. Quelques fois (six fois en 2014, onze fois en 2015, sept fois en 2016…), l’administration utilise son pouvoir de maintien de l’œuvre en France et classe, après consultation d’une commission, l’œuvre « trésor national », ce qui laisse trente mois à l’État pour réunir la somme nécessaire à son achat avant d’être remise sur le circuit des ventes internationales.

Si la procédure est bien connue des acteurs du marché de l’art, il n’existe pas de transparence concernant l’identité des œuvres qui se sont vu délivrer ces autorisations de sortie. Depuis septembre 2016, la SPPEF, association reconnue d’utilité publique, demandait à consulter ces documents délivrés par la Rue de Valois au cours des dix dernières années pour ce qui concerne les tableaux, sculptures, décors d’immeubles et antiquités. Le ministère ayant ignoré ses demandes, la SPPEF avait saisi la commission d’accès aux documents administratifs (Cada), qui avait donné un avis favorable à la communication de ces certificats. Des suites de cette injonction, le ministère a mis en ligne la liste des œuvres ayant été classés « trésors nationaux ». « Mais nous voulions aussi la liste des recalés à ce titre », explique Julien Lacaze, vice-président de la SPPEF.

 

 

Quelle politique de reconnaissance des trésors nationaux ?

Le litige a été introduit devant le tribunal administratif de Paris, qui a condamné le 21 février le ministère à communiquer sous deux mois ces documents. Pour le tribunal, rien ne justifie que l’association, « qui indique qu’elle peut venir consulter sur place les documents » ne puisse pas avoir accès à ce type de documents administratifs « tenus d’être publiés en ligne ou communiqués (...)aux personnes qui en font la demande », à condition qu’ils ne « présentent pas de caractère préparatoire à une décision administrative en cours d’élaboration ».

Si l’association de défense du patrimoine, connue notamment pour son activité de lobbying législatif veut consulter ces documents, c’est pour « analyser à partir d’œuvres ayant obtenu leurs certificats d’exportation, la politique de reconnaissance des “trésors nationaux” », explique Julien Lacaze, vice-président de la SPPEF.Se basant sur des indiscrétions, la SPPEF déplore que la délivrance d’un certificat soit renvoyée à la recommandation d’une seule personne, souvent un conservateur d’un grand musée national, prenant essentiellement en compte les besoins de son propre musée. Elle regrette aussi « une tendance très nette à proportionner le nombre des “trésors nationaux” aux crédits d’acquisition disponibles, alors que ces deux logiques sont en principe distinctes. »

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : La justice ordonne la communication des certificats d’exportation d’œuvres

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