Foires d’art contemporain

La FIAC tient bon

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2008 - 1011 mots

Organisée du 23 au 26 octobre, le salon a affiché un commerce lent mais globalement correct.

PARIS - La Foire internationale d’art contemporain (FIAC), à Paris, a indéniablement fait cette année un saut qualitatif. Un bond en avant délesté de toute prétention « jeuniste » ou glamour. « La FIAC n’est pas la foire au monde où l’on fait le plus de ventes, mais c’est la seule en Europe qui progresse tous les ans d’un cran, alors que la plupart des autres déclinent », confiait le galeriste Christian Nagel (Berlin). Certes, la Cour Carrée du Louvre a manqué de relief, hormis quelques exceptions comme le stand remarquable de gb Agency (Paris), construit sur les notions de double regard et d’itinérance. La spectaculaire Fabrique de Tania Mouraud chez Dominique Fiat (Paris) méritait le détour, tout comme l’accrochage soigné des Valentin (Paris), l’étrange pantomime de Nicolas Darrot chez Eva Hober (Paris) ou l’ensemble d’autoportraits de General Idea chez Frédéric Giroux (Paris). Cranté sur des valeurs sûres, le Grand Palais offrait de son côté un parfum bon chic bon genre, plus propret que séduisant. Mais il était difficile de résister devant les sublimes Calder miniatures de Natalie Seroussi (Paris), les constructions labyrinthiques de Vieira da Silva chez Jeanne-Bucher (Paris), les Bellmer saisissants de 1900-2000 (Paris), le Parmentier de 1968 chez Chantal Crousel (Paris) ou le beau relief de Schwitters réservé par l’Art Institute de Chicago chez Michel Zlotowski (Paris). Signe des temps, les galeries contemporaines jouaient sur l’histoire de l’art, avec la reprise de la célèbre Cathédrale de Rouen de Monet par Jonathan Monk chez Lisson Gallery (Londres), ou les étranges tableaux de Rodney Graham fortement inspirés de l’École de Paris chez Donald Young (Chicago).
L’atmosphère parisienne tranchait avec l’anxiété perceptible sur Frieze à Londres la semaine précédente (lire p. 26). « Les Français qui étaient râleurs sont devenus optimistes quand [geint] le reste du monde », s’étonnait Bellatrix Hubert, directrice de la galerie Zwirner (New York). Bien que la bourse ait chuté de près de 9 % à la veille du week-end, perspective gelant a priori les portefeuilles, l’Hexagone paraissait moins crispé que Londres ou New York. Il semble parfois avantageux de ne pas être une grande place financière ! « La crise actuelle fonctionne comme un rasoir à trois lames, observait Frédéric Bugada, de la galerie Cosmic (Paris). Il y a une crise de liquidité, de confiance et un attentisme. À Londres, on retrouvait les trois lames car les gens avaient pour certains perdu 80 à 90 % de leur capacité d’achat en œuvres d’art. À Paris, il n’y a pas la crise de confiance. »
Les résultats n’en furent pas moins mitigés, plus profitables pour les galeries françaises qu’étrangères. Il est toujours des exceptions comme Simon Lee (Londres), lequel a vendu les deux installations de Sherrie Levine ; Luhring Augustine (New York) qui a cédé tous les dessins de Christopher Wool, dont deux avant la foire au Musée Ludwig de Cologne ; ou encore Johan König (Berlin) qui a trouvé preneur pour les bancs de Jeppe Hein. En revanche, Sperone Westwater (New York) restait sur sa faim. Peut-être ses prix n’étaient-ils pas non plus adaptés au contexte actuel. Il semblait audacieux d’exiger 650 000 dollars de la vidéo Good boy-Bad Boy de Bruce Nauman, éditée à quarante exemplaires, quand une copie s’était vendue pour 252 000 dollars en mai 2007 chez Christie’s… Côté Cour Carrée, le commerce semblait plus ardu. Certes Hervé Loevenbruck (Paris), Dvir (Tel-Aviv) et Sommer (Tel-Aviv) avaient le sourire, mais d’autres comme Tracy Williams (New York) et Gregor Podnar (Berlin) restaient sur le carreau. « C’est dur et lent », convient Andreas Lange de la galerie Schleicher-Lange (Paris).
Sans être dispendieux, les collectionneurs firent toutefois tourner la machine. Le Belge Marc Van Moerkerke a acheté une des deux seules toiles d’Allen Ruppersberg datant de 1974 chez Micheline Szwajcer (Anvers). Les Flers s’en sont donnés à cœur joie chez Chemould Prescott Road (Mumbaï) avec une sculpture d’Hema Upadhyay et deux dessins de Jitish Kallat. Le producteur Marin Karmitz a complété sa collection de Jonathan Delachaux avec un nouveau tableau de l’artiste suisse à la New Galerie de France (Paris). Guillaume Houzé s’est saisi, quant à lui, d’une sculpture de Michel François chez Xavier Hufkens (Bruxelles). « C’est le moment de revenir à des artistes iconiques, mais nettement sous-évalués par rapport à la qualité de leur travail, confiait le jeune collectionneur. Dans une période comme celle-ci, il faut revenir à des fondamentaux, à une radicalité, car c’est ce qui restera. »
La fidélité des galeries internationales à la FIAC dépendra beaucoup de leur solidité dans la tempête. « Ce n’est pas une foire que je ferai religieusement tous les ans, on rate de grands pans du monde ici. Peut-être serait-il bon d’y participer une fois tous les deux ans en alternance avec Frieze, indiquait Lisa Spellman de la galerie 303 (New York). La FIAC est adaptée à l’exposition personnelle, les gens sont intéressés par les idées, ne viennent pas avec des listes d’achat, leur processus est plutôt intellectuel. » Donald Young observait, pour sa part, qu’il ne reviendrait qu’avec une thématique particulière. Et de conclure : « On va vendre de moins en moins dans les années qui viennent, la crise ne fait que commencer. »

Slick prend la main

Le déménagement de Slick au Centquatre (Paris 19e) a modifié l’échiquier des foires off dominé jusque-là par Show Off. Or, cette dernière fut d’un niveau catastrophique hormis quelques rares exceptions comme Sollertis (Toulouse), Martine et Thibault de la Châtre (Paris) ou Odile Ouizeman (Paris). À moins de repenser de fond en comble sa sélection, le salon risque de passer à la trappe avec la récession. En revanche, Slick a bien redressé la barre en troquant les accrochages bouts de ficelles pour des stands plus cohérents. Art Elysées s’est lui aussi nettement bonifié en renouvelant son cheptel d’exposants. Sur l’ensemble des foires, les affaires furent plutôt calmes, concentrées sur de petites pièces. « Les gens sont acheteurs, mais dans la restriction », observait Catherine Issert (Saint-Paul de Vence), exposante de Slick.

Le CNAP manque de stratégie

La commission d’achat du Centre national des arts plastiques (CNAP) pour le FNAC sur la FIAC persiste et signe dans ses travers. Plutôt que de se concentrer sur une petite sélection d’œuvres emblématiques, à l’instar du fonds Outset (qui a la particularité d’être abondé par des fonds privés, notamment le Champagne Laurent Perrier et le Méridien) pour la Tate sur Frieze, elle a agi en petit collectionneur privé, en saupoudrant sur trente pièces la somme globale de 400 000 euros. Il en ressort du coup peu d’œuvres mémorables comme l’ensemble de cinquante-huit dessins de Franz Erhard Walther chez Jocelyn Wolff (Paris) ou les lustres de Sigalit Landau, barbelés cristallisés par le sel de la Mer Morte chez Kamel Mennour (Paris). « Une œuvre chère n’est pas forcément une grande œuvre, pas plus qu’une œuvre de grande taille », rétorque le délégué aux arts plastiques Olivier Kaeppelin. Plutôt que de donner un signal fort envers les galeries étrangères et de leur donner envie de revenir à la FIAC, le CNAP n’a acquis que cinq pièces auprès de ces enseignes. On pouvait enfin s’étonner que sept pièces aient été achetées à la Galerie de Multiples (Paris). La somme dépensée dans les éditions reste certes modeste et le travail courageux de cette galerie est à soutenir. Mais de tels achats auraient pu s’effectuer à l’occasion d’autres commissions et non dans le contexte hautement symbolique et stratégique de la FIAC.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : La FIAC tient bon

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