Art contemporain

La céramique contemporaine

Par Anne-Charlotte Michaut · L'ŒIL

Le 23 novembre 2021 - 857 mots

PARIS

Exposée au Musée d’art moderne de Paris, la céramique a le vent en poupe, même si le marché doit gagner en maturité.

Collectionner -  Hélène Delprat, Annette Messager et Ulla von Brandenburg ont été invitées à réaliser des décors sur une sélection de six formes de vases de Sèvres, autant de « pages blanches offertes à leur créativité ». Les vases ont ensuite été cuits dans le plus grand four à bois de la Manufacture, dont l’allumage se fait tous les cinq ans, et dévoilés mi-novembre après 33 heures de cuisson et un mois de refroidissement. Si cette invitation témoigne de la volonté de renouvellement permanent de la Manufacture de Sèvres, de son soutien à la création contemporaine et de son désir de transmission des savoir-faire (ici, la peinture), elle révèle également une ambiguïté dans l’appréhension des objets de céramique. En effet, les formes de vases sont réalisées par les artisans tandis que les décors apposés par des artistes reconnues viennent conférer aux objets le statut d’œuvre d’art.

La céramique, longtemps dévaluée et marginalisée du fait notamment de sa proximité avec l’artisanat et de son usage fonctionnel, a le vent en poupe depuis une quinzaine d’années. En témoignent des expositions thématiques d’envergure dans des lieux et institutions d’art contemporain, comme « Ceramix » à La Maison rouge en 2016, et, actuellement, « Les Flammes, l’âge de la céramique » au Musée d’art moderne de Paris. Une avancée pour la céramique, à n’en pas douter.

Mais qu’en est-il des répercussions sur le marché ? La consécration de la céramique comme partie intégrante de la création contemporaine se vérifie-t-elle d’un point de vue commercial ? Yves Peltier, commissaire général de la Biennale internationale de la céramique contemporaine de Vallauris de 2008, faisait à l’époque la distinction entre la « filière céramique » et le « monde de l’art », deux univers entretenant une relation « complexe, ambiguë et le plus souvent équivoque ». Il s’expliquait : « Il règne d’un côté une incompréhension, une ignorance des mécanismes du monde de l’art et de son corollaire le marché de l’art, des exigences de ce dernier, et de l’autre une indifférence, un rejet, voire un mépris clairement affiché. » Force est de constater, selon Isabelle Brunelin, directrice de la Galerie de l’ancienne poste, que peu de choses ont changé depuis ce constat, et que la céramique peine encore à s’affirmer au même titre que les autres médiums sur le marché de l’art contemporain, comme en témoignent les prix encore relativement accessibles. Ni objectif ni exhaustif, voici un aperçu de la diversité des approches de la céramique adoptées par des artistes contemporaines qui ont fait de ce médium un moyen d’expression plastique privilégié.

3 800 à 5 000 €

1_Sylvie Auvray Née en 1974, l’artiste réalise des œuvres hybrides, dans lesquelles elle mêle souvent céramique et autres éléments – ici, de la paille et du tissu. Cette œuvre unique, appartenant à une série, est emblématique du répertoire de formes de celle qui se définit comme « céramiste, peintre, sculptrice – de bijoux, de bestioles, de breloques et de balais ». Puisant ses sources dans différents univers, notamment mythologiques, l’artiste développe un travail fait d’expérimentations constantes, en partie permises par l’exploration des possibilités du médium céramique (Galerie Laurent Godin).


900 €

2_Bettina Samson Née en 1978, l’artiste revendique une approche de non-spécialiste dans sa pratique de la céramique, dont elle apprécie la part de hasard et les aléas inhérents au processus de fabrication. Cette œuvre de tout petit format appartient à une série d’une vingtaine d’Horloges (2019) dans laquelle elle reprend le vocabulaire technique de la céramique et propose une version non fonctionnelle d’un outil traditionnel permettant de mesurer la température des fours et de gérer les différentes étapes de cuisson. Une exposition personnelle de Bettina Samson est à découvrir jusqu’au 18 décembre 2021 à la Galerie Sultana.


Environ 70 000 €

3_Rebecca Warren The Wise Virgin (2012) est présentée au Musée d’art moderne de Paris dans la section sur le modelage, technique de façonnage ancestrale dont la dimension instinctive est évidente. Travaillant l’argile depuis 1998, Rebecca Warren (née en 1965) développe une approche tactile de la sculpture, met en évidence la dimension organique de la matière et donne à voir la sensualité du matériau. Les œuvres de l’artiste britannique, nommée en 2006 au prestigieux Turner Prize, se vendent à des prix rarement atteints sur le marché de l’art français pour des œuvres en céramique (Galerie Max Hetzler).


10 500 €

4_Elsa Sahal « Tout mon parcours en tant qu’artiste a toujours tendu à mettre en valeur la contemporanéité de la céramique pour la placer au cœur de l’art d’aujourd’hui », affirme Elsa Sahal (née en 1975). L’artiste, dont la céramique est le matériau de prédilection, a largement contribué à la revalorisation de ce médium depuis le début du siècle. Toujours empreint d’humour, son travail joue des références à l’histoire de l’art et des représentations du corps humain. En témoignent Fontaine (2012), sa version féminine du Manneken-Pis qui a fait couler de l’encre lors de sa présentation à Nantes (2020), mais également les pièces récentes qui étaient présentées cet automne dans son exposition « Hommage à Jambes Arp » à la Galerie Papillon, et dont Losange, mon ange (2021) est un très bel exemple.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°749 du 1 décembre 2021, avec le titre suivant : La céramique contemporaine

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