Galerie

GALERIE D’ART CONTEMPORAIN

Esther Schipper s’installe à Paris

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 23 novembre 2022 - 790 mots

PARIS

En ouvrant une antenne place Vendôme, l’enseigne choisit un emplacement situé dans le centre de la capitale mais en retrait de la rue. Une discrétion toute stratégique.

Esther Schipper. © Kristian Schuller, 2022
Esther Schipper.
© Kristian Schuller, 2022

Paris. Esther Schipper a ouvert son antenne parisienne sans faire d’annonce, en douce, au début de l’automne. Au 16 de la place Vendôme, l’adresse est prestigieuse mais discrète. En fond de cour, au deuxième étage d’un immeuble en pierre de taille, elle n’offre aucune vitrine aux passants. Il faut connaître. Comme Emma Lavigne, la directrice de Pinault Collection, croisée ce jour-là, ce qui semble logique puisque la Bourse de commerce expose actuellement Anri Sala, un des artistes de la galerie. À la différence de Berlin, où elle dispose de plus de 400 mètres carrés d’espaces d’exposition localisés dans un bâtiment industriel réhabilité, la galerie affiche pour cette succursale les dimensions modestes d’un appartement haussmanien. Cependant elle en a aussi le charme, avec sa cheminée, son parquet et ses moulures, « caractéristiques de l’architecture de la première moitié du XIXe», souligne la galeriste, qui a passé une partie de sa jeunesse en France. Y a-t-elle conservé des attaches ? « Oui, j’y ai gardé des liens personnels et familiaux très forts. Notamment parce que ma mère y a vécu jusqu’à la fin de 2021. »

Cette antenne hexagonale ouvre au même moment qu’une autre, au centre de Séoul (Corée du Sud) celle-là, « dans le quartier florissant de Geyonglidan-street, au sein d’un bâtiment récemment rénové par studioMDA », précise-t-elle. Ces deux projets sont le fruit d’une réflexion menée depuis plusieurs années et d’opportunités qui se sont présentées presque simultanément. « Nous avions fondé une société en Corée en 2017, avec l’envie d’ouvrir un lieu dans la foulée. Puis la pandémie s’est déclarée et nous avons dû mettre ce projet en suspens, bien que nous ayons déjà une collaboratrice sur place, et une équipe grandissante. Nous avons finalement trouvé l’endroit idéal il y a moins d’un an », raconte Esther Schipper. Ses premières prospections parisiennes datent de 2019, mais c’est pendant le deuxième confinement qu’elle a eu connaissance de cette possibilité qui se libérait place Vendôme. « Lorsque j’ai découvert cet espace, j’ai tout de suite aimé sa localisation en retrait et son caractère intime, quasi exclusif. Il me semblait intéressant d’y faire une proposition à l’opposé de Berlin. »

Des artistes très exposés dans les musées français

La volonté d’entretenir des relations fécondes avec les musées et les fondations françaises a en grande partie motivé cette installation. « Non seulement plusieurs artistes de la galerie sont basés à Paris (Dominique Gonzalez-Foerster, Philippe Parreno et Étienne Chambaud), mais nous souhaitions aussi être présents dans la capitale afin de soutenir les projets institutionnels de tous nos artistes en France », assure Esther Schipper. Plusieurs d’entre eux exposent actuellement dans des musées français : Rosa Barba fait l’objet d’une exposition personnelle au CCC-OD à Tours (« Weavers », jusqu’au 30 avril 2023) ; AA Bronson participe à la grande exposition « Barbe à Papa » au CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux (jusqu’au 14 mai 2023). Enfin le Jeu de paume consacrera, au printemps prochain, une grande rétrospective à Thomas Demand (« Le bégaiement de l’histoire », du 14 février au 28 mai 2023). Quant à Étienne Chambaud, avec lequel la galerie travaille depuis le printemps 2020, il bénéficie actuellement d’une exposition au LaM à Villeneuve-d’Ascq (« Lâme », jusqu’au 22 janvier 2023). « Nous n’en sommes pas directement partenaires, mais nous la soutenons bien évidemment », précise Esther Schipper.

C’est à cet artiste qu’il revient d’inaugurer le lieu, après un premier solo avec la galerie, à Berlin, à l’été 2021. Intitulée « Expansion », son exposition comporte une œuvre sonore, Syrinx, qui à partir de chants d’oiseaux de différentes espèces, générés par un logiciel, produit un environnement perpétuellement renouvelé – et dont on ne distingue pas immédiatement le caractère artificiel. Au fil du temps, les chants se mélangent pour en engendrer d’autres, selon un processus de propagation et d’hybridation qui invite en parallèle à une réflexion sur le vivant et le processus de création. Est également présentée une série de « Stases », sculptures murales réalisées à partir d’oklads, ces structures en laiton ou en argent repoussé protégeant les icônes orthodoxes. À l’icône absente se substituent ici des formes céramiques créées à partir d’un système de simulation informatique, à la façon de parasites numériques dont les formes sont figées : le terme de « stase » renvoie à ce moment suspendu du processus. Le tout est élégant et cérébral. Actif depuis plusieurs années, Étienne Chambaud (né en 1980) a pris part à de nombreuses expositions et a bénéficié d’une présentation monographique à la Kunsthalle de Mulhouse en 2018, tout en restant relativement à la marge. Cette double actualité au LaM et chez Esther Schipper est une occasion de mieux connaître son travail. La galerie présentera ensuite une exposition de la plasticienne britannique Ceal Floyer.

Esther Schipper,
16, place Vendôme, 75001 Paris. « Étienne Chambaud, Expansion », jusqu’au 2 décembre.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Esther Schipper s’installe à Paris

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque