Antiquaire

ENTRETIEN

Éric Delalande : « Le contexte n’est pas si compliqué pour nous. Il est juste différent »

Antiquaire à Paris

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 21 avril 2021 - 747 mots

PARIS

S’il déplore la fermeture des galeries, l’antiquaire parisien réussit pourtant à tirer son épingle du jeu grâce à Internet.

Éric Delalande tenant un astrolabe marocain du XVIIIe siècle. © Galerie Delalande Paris
Éric Delalande tenant un astrolabe marocain du XVIIIe siècle.
© Galerie Delalande Paris

L’antiquaire parisien Éric Delalande, spécialisé entre autres dans les objets de marine et sciences, et installé rue de Lille, vient d’ouvrir un second espace non loin de là, rue de Beaune, dans le 7e arrondissement toujours.

Depuis un an, le marché de l’art est bouleversé par la crise sanitaire. Comment vivez-vous la situation ?

Le contexte n’est pas si compliqué pour nous. Il est juste différent. Quand j’ai rejoint mon père en 2007 à la galerie – je venais de Microsoft –, j’ai tout de suite pris le virage d’Internet, en créant un site en français puis en anglais. Nous avions donc déjà l’habitude de travailler avec cet outil quand la pandémie a éclaté, contrairement à d’autres. Nos clients aussi avaient l’habitude d’aller sur notre site, réactualisé toutes les semaines. Si mars 2020 a été un peu compliqué, nous nous sommes vite remis en selle : davantage de photos ont été publiées sur le site et, au bout de trois semaines, ça a repris. Évidemment, nous avons été pénalisés car 80 à 85 % de notre clientèle est étrangère ; or elle ne peut plus voyager. Mais grâce à Internet et à de bonnes photos – 100 % « honnêtes » avec une précision dans les dimensions –, nous vendons à des étrangers toutes les semaines.

Par contre, je suis touché par le fait que je ne peux pas voyager pour aller voir et acheter des objets issus de collections privées étrangères – 99 % de nos acquisitions proviennent de particuliers. Globalement, nous avons peut-être eu moins de 20 % de perte, mais nous avons fait de belles ventes en fin d’année avec les musées internationaux et l’année 2021 se présente bien.

Pourquoi avoir ouvert un deuxième espace, surtout dans ce contexte ?

Nous avons cinq spécialités : marine et sciences, tabacologie, objets de l’opium, cannes de collection et curiosités. Nous avons des objets de grande taille (comme les maquettes de bateaux), que nous ne pouvions pas mettre dans notre premier espace de 60 m2, au 35 rue de Lille. Avant, nous avions un showroom privé à côté de chez mon père, mais, à son décès en décembre 2019, nous n’avions plus de raisons d’aller là-bas, et comme un espace de 50 m2 s’est libéré à 40 m de notre galerie, au numéro 8 de la rue de Beaune (le marchand d’art asiatique Éric Pouillot a pris sa retraite), nous avons sauté le pas. Rue de Lille, nous exposons toutes nos spécialités tandis que rue de Beaune, seuls les objets de marine et sciences sont montrés.

Comment vivez-vous ce troisième confinement ?

Il y a un déséquilibre entre les galeries, fermées, et les maisons de ventes, qui peuvent rester ouvertes. Même si les unes dépendent du ministère de la Culture et les autres du ministère de la Justice, ce n’est pas normal. Il faudrait qu’un jour il y ait une harmonisation. Et puis il n’y a pas foule dans les galeries en ce moment – avant la fermeture, nous recevions trois personnes par jour maximum ; la circulation du virus n’est pas là !

Les salons vous manquent-ils ?

Depuis trois ans, nous nous sommes concentrés uniquement sur la foire Tefaf de Maastricht – nous avons arrêté la Biennale [des antiquaires à Paris] en 2017. Cette année, Maastricht est reportée en septembre, alors nous verrons bien. En même temps, comme je ne fais qu’un seul salon par an, je ne suis pas tellement pénalisé ; ce n’est pas comme si j’en faisais quatre.

Que pensez-vous de la nouvelle réglementation sur l’ivoire actuellement à l’étude ?

Si le règlement est adopté, il y aura interdiction d’importation et d’exportation hors Europe de tout ivoire. Au sein de l’Europe, il faudra un certificat ; mais qui le délivrera, sur quelles bases et en combien de temps ? Mystère. Ainsi, la loi de 1947, qui était cohérente, sera balayée : il n’y aura plus de distinction entre un bracelet en ivoire réalisé il y a dix ans et un cadran solaire daté de 1565, alors que dans ce cas l’éléphant est mort depuis cinq siècles ! Évidemment qu’il faut sauver les éléphants, mais m’empêcher de vendre un cadran de 5 cm sur 5 ne va pas stopper le braconnage. Ce qui sauvera les éléphants, c’est peut-être de fournir davantage de moyens là-bas pour éradiquer le braconnage ! Cette nouvelle réglementation va m’affecter car 20 à 30 % de mes objets contiennent de l’ivoire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : Éric Delalande : « Le contexte n’est pas si compliqué pour nous. Il est juste différent »

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