Dis-moi d’où tu viens, je te dirai combien tu vaux

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 26 janvier 2010 - 786 mots

Yves Saint Laurent, Marie-Antoinette... La provenance a toujours stimulé l’appétit des collectionneurs, parfois au détriment de la qualité intrinsèque de l’objet.

La provenance rassure, tout comme elle affole les enchères. La vente de la collection Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, en février 2009, en fut la preuve criante. Le nom du couturier a fait flamber les prix. S’il est difficile de pointer la griffe du couturier sur les adjudications en art moderne ou en Art déco, son empreinte était visible dans les résultats d’objets plus anodins, comme les géodes et cristaux de roche qu’il conservait devant ses cheminées. Des pièces qui valent tout juste autour de 3 000 euros en boutique ont atteint quelques vingtaines de milliers d’euros… L’onction YSL a aussi hissé les pièces décoratives de Cheuret ou Lalanne. Un bar de ce dernier a ainsi été acheté pour 2,7 millions d’euros par madame Fendi.

Un Rothko ? Non, un Rockefeller !
En 2007 chez Sotheby’s, le nom de David Rockefeller, associé à un beau Rothko de 1950, avait aussi joué de son effet. Achetée pour 8 500 dollars par l’homme d’affaires, cette toile s’est propulsée à 72,8 millions de dollars. Du jamais vu ! À ce tarif, il est clair que l’émirat du Qatar, adjudicataire de la pièce, s’est davantage payé un Rockefeller qu’un Rothko…
 
La provenance en matière de peinture est habituellement le gage d’un premier choix. Londres, le Parlement, effet de soleil dans le brouillard de Claude Monet a obtenu 20,1 millions de dollars en 2004 chez Christie’s, alors que les autres versions du Parlement n’avaient jamais dépassé les 14 millions de dollars. Ce tableau n’avait pas quitté la collection depuis son achat en 1904, caution d’un bon état de conservation et d’une fraîcheur sur le marché.
 
A priori si le tableau est disgracieux et en mauvais état, la provenance n’y fait rien. Pourtant, dans la vente Yves Saint Laurent, un portrait d’homme pas très folichon de Franz Hals s’est propulsé à 3,5 millions d’euros.

Stars d’hier et d’aujourd’hui
Certaines généalogies plus anciennes déclenchent aussi de vraies frénésies. C’est le cas de la reine Marie-Antoinette dont des aiguilles à tricoter en ivoire ont décroché 30 670 euros en mai 2003 chez Piasa ! En matière de reliques, le pedigree napoléonien fait vibrer les porte-monnaie. Les prix de ses effets personnels ont décuplé ces dix dernières années. Une chemise ayant appartenu à Bonaparte a ainsi décroché 74 300 euros chez Osenat en mars 2002 !

Le prix de la provenance est bien souvent celui de l’affect, comme en atteste l’engouement pour les objets de stars. La robe que portait Marilyn Monroe pour chanter le fameux « Happy birthday Mr. President » à l’anniversaire de John F. Kennedy s’est vendue 1,2 million de dollars en 1999 chez Christie’s. D’après les spécialistes en memorabilia, elle vaudrait dans les 8 millions de dollars aujourd’hui.
 
Les prix servent de baromètre à la notoriété. Ces dernières années, les reliques de Michael Jackson trouvaient difficilement preneur, en raison de ses démêlés judiciaires sur fond de pédophilie. Les Beatles et les Rolling Stones étaient nettement plus en odeur de sainteté. Mais son décès en juin dernier l’a soudain canonisé. À la foire Art Basel Miami Beach en décembre dernier, la galerie Deitch a vendu illico pour 175 000 dollars un portrait en tenue équestre que le chanteur avait commandé à Kehinde Wiley et qu’il n’avait jamais pu voir avant d’être fauché par la mort. Le 16 décembre chez Bonham’s, les chaussures et le chapeau que le chanteur portait pour la chanson Moonwalking se sont vendus pour 22 800 livres sterling chez Bonham’s.
 
D’autres noms à connotation trouble font aussi florès. C’est le cas de la banque américaine Lehman Brothers, dont la chute avait signé le début de la crise boursière et financière en septembre 2008. Malgré tout, le premier volet en novembre dernier de la vente de la collection d’art de cette société s’est très bien passé, totalisant 1,34 million de dollars, soit le double des estimations, chez Freeman à Philadelphie. Parmi les enchérisseurs, d’anciens collaborateurs de la maison. Chez eux, la nostalgie l’emporte visiblement sur l’esprit de revanche.

En 2009

Vente Yves Saint Laurent
Avec un total de 342 millions d’euros (sans les têtes chinoises), cette dispersion fleuve a montré l’engouement des collectionneurs pour la qualité, surtout lorsqu’elle est assortie d’une provenance très griffée.

Collection Kenzo
Bien que populaire, la griffe du couturier japonais n’a pas provoqué de grandes surprises dans sa vacation orchestrée en juin à Drouot-Montaigne. Avec un total d’1,9 million d’euros, la vente n’a que légèrement dépassé son estimation haute.

Collection Lehman-Brothers
Quoique composée de peintures et d’estampes américaines, la vente en deux volets de la collection chez Freeman en Virginie a dépassé les espérances.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Dis-moi d’où tu viens, je te dirai combien tu vaux

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