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GALERIE D’ART CONTEMPORAIN

David Zwirner, galeriste : « Je ne prends pas un espace pour mes clients, mais pour mes artistes »

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 17 octobre 2019 - 909 mots

PARIS

David Zwirner a inauguré le 16 octobre un nouvel espace à Paris, au 108 de la rue Vieille-du-Temple, dans le Marais. Une adresse historique puisqu’elle fut celle d’Yvon Lambert de 1986 à fin 2014.

Né à Cologne en Allemagne en 1964, David Zwirner a ouvert sa première galerie à New York, à Soho, en 1993. Aujourd’hui il possède trois espaces dans cette même mégapole et il s’est aussi implanté à Londres et Hongkong. Josef Albers, Bridget Riley, Donald Judd figurent parmi ses artistes historiques, mais il représente aussi Sigmar Polke, Luc Tuymans ou Yayoi Kusama.

Pourquoi ouvrir une galerie à Paris ?

Il y a deux ans je me suis rendu compte que je n’exploitais pas comme je le voulais la scène européenne, notamment sur le plan muséal. Il n’y a aucun endroit au monde avec une telle densité de musées. Or notre métier de galeriste consiste aussi à obtenir pour nos artistes des expositions dans ces institutions. J’aime Londres mais je commençais à me sentir à l’écart du continent et je réfléchissais à ouvrir un autre espace. Et là deux choses sont arrivées : la première a été le Brexit qui a accéléré mon envie. Je me suis dit « bientôt ma galerie ne sera plus en Europe mais en Angleterre ». La seconde chose, et la plus importante : Hélène [Nguyen-Ban] et Victoire [de Pourtalès] de la galerie VNH sont venues me voir et m’ont proposé de reprendre leur espace. C’était parfait. 

Et pourquoi pas en Chine, où se créent de plus en plus de musées ?

La grande différence, c’est qu’en Chine ce sont exclusivement des musées privés. Il est certes intéressant de travailler avec leurs propriétaires, mais tout cela est très nouveau, ils ont beaucoup de choses à apprendre. Le futur est là, c’est sûr. Mais je suis plus attiré par les grands et anciens musées, et les artistes avec lesquels je travaille aiment ce contexte.

Pourquoi avoir choisi le Marais ?

Je n’y avais pas particulièrement réfléchi, c’est l’occasion qui s’est présentée. Et je m’en réjouis car le Marais est vraiment le quartier des galeries. À quelques centaines de mètres il y a Karsten Greve, Emmanuel Perrotin, Thaddaeus Ropac. À New York ,je suis dans un quartier de galeries, celui de Chelsea, à Londres aussi, à Mayfair : j’aime beaucoup la proximité de mes collègues, c’est bon pour nous tous.

Les galeries sont présentes aussi dans le 8e arrondissement, comme Gagosian…

Pour moi ce n’est pas la même chose. Je n’aurais pas pu prendre l’ancienne galerie d’Yvon Lambert et la déplacer. C’est comme lorsque vous achetez un nouveau vêtement : vous le mettez, vous vous sentez parfaitement bien dedans et vous ne voulez plus l’enlever. Dès que nous avons commencé à travailler ici, c’est l’impression que j’ai ressentie.

Et Pantin ou Le Bourget, où il existe de très grands espaces ?

Il faut se méfier de cette tendance XXL, dont on commence d’ailleurs déjà à revenir. Ce n’est pas parce que les espaces sont plus grands que l’on montre des œuvres de meilleure qualité. L’important est que l’espace soit à la bonne taille. Si un artiste comme Richard Serra me fait une proposition qui nécessite beaucoup de place, on le fera à New York. D’autre part, les artistes avec lesquels je travaille ont une ou deux expositions par an dans mes différentes galeries, si les espaces sont trop grands ils ne peuvent pas répondre. En plus, j’aime être au centre d’une ville, que la galerie soit facile d’accès. Quand un artiste fait son exposition, il veut une audience. Si on est trop éloigné, on ne s’adresse pas aux mêmes collectionneurs.

Pourquoi, justement, l’ancienne galerie d’Yvon Lambert ?

C’est une adresse qui a fait ses preuves auprès des artistes. Je ne prends pas un espace pour mes clients, je prends un espace pour mes artistes, c’est ça qui est important, et je sais qu’ici ils vont s’y sentir bien. Cy Twombly, On Kawara, Anselm Kiefer, Jean-Michel Basquiat, Barbara Kruger y ont exposé, c’est un lieu qui a une belle histoire. Lorsque j’ai demandé à mes amis parisiens ce qu’ils en pensaient, ils m’ont tous répondu que c’était le plus bel espace à Paris. Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’aime les proportions de la grande salle, sa lumière naturelle, l’opportunité de disposer de salles de taille différente. Nous n’allons d’ailleurs même pas y faire de travaux, juste une remise à neuf et quelques améliorations.

Parmi les artistes que vous représentez, ne figurent pas beaucoup d’artistes français…

C’est vrai, mais ce n’est pas un problème. J’ai travaillé avec des artistes français dans le passé. Ce que je veux faire ici, dans un premier temps, c’est apporter et montrer l’identité de la galerie à Paris, et non en créer spécialement une nouvelle dès le départ. À Londres comme à Hongkong, nous avons rapidement rencontré la scène locale et travaillé avec de nouveaux artistes. Je pense que cela se fait de façon naturelle.

Certains de vos artistes sont déjà dans d’autres galeries à Paris, comme Donald Judd chez Thaddaeus Ropac. Comment cela va-t-il se passer ?

D’abord Thaddaeus est un ami. Ensuite j’ai fait une grande expo l’année dernière à New York : Judd a un marché international. Si je compare la situation entre Paris et Londres, c’est bien mieux à Paris. Car très peu de mes artistes ont déjà une galerie ici, alors qu’à Londres, beaucoup. Ce sera donc plus facile pour moi, j’aurai plus de flexibilité.

David Zwirner,
108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris. « Raymond Pettibon, Frenchette », jusqu’au 23 novembre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°531 du 18 octobre 2019, avec le titre suivant : David Zwirner, galeriste : « Je ne prends pas un espace pour mes clients, mais pour mes artistes

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