Claudine Papillon : « L’écart se creuse avec les grosses galeries »

Galeriste depuis 40 ans

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2016 - 778 mots

Fidèle à son image de défricheuse, la galerie Papillon lance sa saison avec une installation de Charles Le Hyaric (29 ans) dont c’est ici la deuxième exposition. À l’occasion de cette rentrée, Claudine Papillon fait le point sur la situation actuelle de la galerie.

Comment se porte aujourd’hui une galerie comme la vôtre ?
Avec des hauts et des bas, mais avec le temps, nous avons appris à gérer ce type de situation. Nous vendons des œuvres à des prix raisonnables, mais cela ne nous permet pas de faire un chiffre d’affaires mirobolant. Or, les charges représentent une somme importante de notre budget, puisque le coût des loyers est le même pour tout le monde. Dans les foires également, nous payons le mètre carré au même prix que les grosses galeries. Mais dépenser 40 000 euros pour un stand est pour nous un risque immense. En même temps, il est préférable d’y être : nous avons le sentiment de mieux exister, d’être plus visible.

Pour la quatrième année consécutive, vous n’avez pas été retenue à la Fiac…
On s’y habitue. Le refus de notre candidature l’an dernier, alors que nous proposions une exposition de Roman Opalka, a été un revers. Cette année nous avons quand même une installation de Berdaguer et Pejus hors les murs. Mais je serais ravie d’y revenir. En effet, les foires pour les jeunes galeries ne nous conviennent pas : on ne peut pas être une galerie émergente lorsqu’on existe depuis bientôt 28 ans.

N’y a-t-il pas un déplacement du chiffre d’affaires vers les grosses galeries ?
Non, car on ne fait pas le même métier. Le problème de notre profession est qu’il n’y a pas deux galeries qui conçoivent le métier de la même manière. Les clientèles sont aussi très différentes. Certains acheteurs veulent investir et avoir une rentabilité rapide. Ils ne vont pas se diriger vers des galeries qui cherchent de nouvelles propositions. Si l’on considère qu’il y a un énorme potentiel de collectionneurs en Asie, il est certain qu’ils ne vont pas débarquer chez nous du jour au lendemain. Je me souviens un jour à la Fiac avoir eu sur mon stand des collectionneurs russes. Les conseillers qui les accompagnaient nous disaient que notre stand était formidable, mais que ce n’était pas pour eux ni ne comptaient dans leurs préoccupations.

Est-ce vraiment nouveau ?
Les choses ont vraiment beaucoup changé depuis quelques années. Il y a certainement trop de galeries. Il y a aussi à peu près 2 millions d’artistes chinois qui sont arrivés sur le marché, je ne sais combien d’artistes indiens et maintenant les artistes africains. Même si c’est passionnant, nous ne pouvons plus mémoriser toutes les propositions. À la fin des années 1970, je connaissais bien la scène italienne, allemande… je ne peux pas en dire autant aujourd’hui des scènes asiatiques. De ce fait, on a tendance à aller vers ce qu’on nous montre et ce qu’on voit le plus. Je regrette aussi la place de plus en plus importante donnée à l’économie. J’ai une formation en histoire de l’art, mais aucune en gestion. Il y a trente ans, on se moquait de la gestion. Avec Ninon Robelin, que j’ai rejointe à la galerie Bama en 1976, on avait ce qu’on appelait « le brouillard », à savoir la colonne des entrées et la colonne des sorties. On gagnait peu ; mais on dépensait peu. Aujourd’hui mieux vaut bien connaître tout cela.

Comment voyez-vous la situation de galeries comme la vôtre face aux grandes galeries internationales ?
Il est important de dire que l’écart se creuse entre, d’un côté les grosses galeries et, de l’autre, les galeries comme la nôtre et celles émergentes, aujourd’hui dans le même panier. Il y a d’autre part une différence de taille entre galeries émergentes et artistes émergents. Toutes les galeries émergentes n’exposent pas que des artistes émergents. Comme ces derniers se vendent peu cher, certaines enseignes ressortent des artistes décédés ou plus âgés pour s’en sortir. Car nous sommes tous en train de chercher des solutions pour générer de l’activité. Nous ne pouvons pas faire aujourd’hui ce que nous faisions il y a vingt-cinq ans, le paysage n’est plus le même et avec ces très grosses galeries qui brassent d’énormes capitaux nous ne sommes plus au milieu des mêmes « concurrents ».

Est-ce dangereux pour les galeries de votre rang ?
En partie et on le voit bien dans les grandes foires où nous n’avons plus notre place. Et comme il n’y a pas encore d’autre modèle alternatif de foire, cela nous pénalise. Face aux grosses galeries, il nous faut organiser des événements ensemble, car elles n’ont pas besoin de nous. Elles sont autonomes et si nous restons seuls dans notre coin, nous auront du mal à nous en sortir.

Consulter la fiche de la galerie Claudine Papillon

Légende Photo :
Claudine Papillon - Photo Courtesy Galerie Papillon, Paris

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°463 du 16 septembre 2016, avec le titre suivant : Claudine Papillon : « L’écart se creuse avec les grosses galeries »

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