Foire & Salon - Antiquaire

Biennale des antiquaires, la confiance au défi

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 29 août 2017 - 1194 mots

Insécurité, contrefaçons, désaccords entre professionnels, désaffection pour l’ancien au profit du contemporain… Comment recréer la dynamique ?

Dans la vie d’une foire d’art, il y a des éditions particulièrement périlleuses et celle-ci en est une pour la Biennale Paris qui se tient du 11 au 17 septembre au Grand Palais à Paris. Rien ne lui aura été épargné : après les scandales à répétition autour du faux mobilier XVIIIe, dont une paire de fauteuils acquise par le Château de Versailles, est venu le tour du mobilier XXe contrefait ; les changements successifs de présidents à la tête du Syndicat national des antiquaires (SNA) et, donc, de l’organisation de la Biennale, sont peu propices à instaurer une vraie réflexion stratégique, sans oublier l’évolution des goûts des collectionneurs désormais plutôt portés vers l’art contemporain ou le risque d’attentat dans la capitale de nature à faire fuir les étrangers. D’autant que les joailliers de la place Vendôme boudent toujours la manifestation, eux qui, pendant des années, ont invité nombre de clients prestigieux sur leurs stands. Dominique Chevalier, précédent président du SNA, ne s’en cache pas : « La dernière édition n’a attiré que 30 000 visiteurs contre 60 000 à 80 000 les années fastes. Sans parler de l’important déficit financier enregistré l’an passé et de la concurrence internationale toujours plus forte avec l’essaimage à New York de l’emblématique foire de Maastricht, la Tefaf… »

Comment rassurer dans ce contexte qui entache la confiance des professionnels comme des acheteurs ? La Biennale a voulu frapper fort en constituant la commission d’admission des œuvres « la plus exigeante du monde », coprésidée par Frédéric Castaing et Michel Maket, à la tête de la Compagnie nationale des experts et du Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art et objets de collection. Quant aux élus du SNA, ils ne pourront intervenir dans les décisions de la commission qui n’admet en son sein aucun exposant. Le contrôle des objets est renforcé par des appareils scientifiques d’analyse installés au Grand Palais même, et par la présence de consultants restaurateurs et institutionnels.
 

Christopher Forbes, un atout majeur

Pour faire revenir les étrangers, les organisateurs ont sorti leur ambassadeur de choc : Christopher Forbes, un Américain amoureux de la France, insatiable amateur d’art, qui n’a pas hésité à aller prêcher la bonne parole au-delà des frontières de l’Hexagone. « Il y aura un haut niveau de sécurité à la Biennale », promet-il, ajoutant que le climat terroriste est un fait dont doivent tenir compte tous les salons importants, partout dans le monde et pas simplement à Paris.

« En tant qu’homme d’affaires et collectionneur impliqué dans de nombreux musées, passionné par l’histoire de la France depuis ma première visite dans ce pays en 1966, mon rôle de président de cette biennale est d’encourager les collectionneurs, les conservateurs et les experts du monde entier à venir et à acheter », insiste-t-il. Dans ce but, il a invité dès l’automne 2016 le président du SNA actuel (Mathias Ary Jan) et son prédécesseur à participer à la Conférence des présidents-directeurs généraux organisée par le magazine Forbes à Jakarta, afin d’évoquer la Biennale devant plus de deux cents dirigeants influents parmi lesquels des douzaines de milliardaires.

En juin, il organisait également une réception dans un club privé new-yorkais pour présenter la foire à une soixantaine de collectionneurs, patrons de musées et marchands triés sur le volet. Dans la foulée, il donnait une conférence de presse chez Ladurée, à SoHo. Enfin, il constituait un comité d’honneur pour garantir la réussite du dîner de gala et un vernissage riche en VIP, n’hésitant pas à inviter lui-même des rich and famous dans son château Mansart en Normandie.

Mathias Ary Jan, qui a entrepris un travail de rapprochement avec les joailliers dont on verra réellement les fruits en 2018, a voulu remettre le collectionneur au cœur de la foire, présentant une exposition inédite de la célèbre famille Barbier-Mueller. Mais pour Dominique Chevalier, le public viendra « si les objets sont exceptionnels ». Guillaume Léage, de la galerie éponyme, ne doute pas que ces derniers le soient, même si la foire est devenue annuelle, au grand dam de beaucoup de grands marchands absents. « La Tefaf, la Brafa à Bruxelles, Masterpiece à Londres sont annuelles et de grande qualité, pourquoi pas Paris ? Les étrangers viennent chercher ici le raffinement français, dans la peinture, le mobilier, les bijoux. À nous de pousser encore plus loin les recherches menées sur chaque pièce exposée. Chez Léage, nous avons constitué une grande base documentaire, pour expliquer aux collectionneurs qu’ils peuvent s’offrir ces pièces admirées au Louvre ou à Versailles, en toute sécurité. » Mais le spécialiste du XVIIIe s’ouvre aussi au contemporain afin d’élargir sa clientèle et de montrer que les styles peuvent dialoguer.

Du côté des maisons de ventes, on est plutôt serein. Pour Alexandre Giquello, président de Drouot, comme pour Édouard Boccon-Gibod, directeur général de Christie’s, la Biennale reste un rendez-vous majeur qu’ils comptent bien renforcer en organisant des adjudications de prestige en parallèle. Ainsi Christie’s dispersera du 12 au 14 la collection Alberto Pinto, riche d’un millier de lots, qui se veut un hommage à l’art de vivre. « La biennale de Paris est unique par son glamour. Maastricht a du charme et du sérieux ; New York dispose d’une incroyable énergie et d’un pouvoir financier, mais Paris est Paris, avec son savoir-vivre, et le Grand Palais une œuvre d’art à lui tout seul ! », résume Christopher Forbes. Reste à savoir si le jugement de cet inconditionnel sera largement partagé.

 

 

La Vallée Village rhabille les ”©Arts décoratifs
”©restauration -  Les Arts décoratifs est l’un des rares musées à disposer de ses ateliers de conservation-restauration. Et l’un d’eux est dédié au textile. Alors, grâce au mécénat de la Vallée Village, ont pu être mis en place, par des procédés parfois inédits, l’étude et la restauration de cinq chefs-d’œuvre des collections, jamais exposés car très détériorés : une cape de velours de la Renaissance, une robe « griffée » du XIXe, une légère capeline, une robe de cour à baleines du XVIIIe et une robe droite ajourée des années 1920. Le public pourra les découvrir cet automne durant un mois, dans des « period rooms ». Ce projet de mécénat innovant permet ainsi de faire avancer la recherche en histoire des arts, des techniques et des matériaux.”©Un soutien totalement pertinent aussi pour la Vallée Village qui regroupe 110 boutiques de marques prestigieuses réunies près du parc Disneyland Paris. Ce centre commercial de luxe à ciel ouvert, qui propose du chic, voire du très chic à prix réduits, abrite depuis longtemps déjà une galerie d’art très active qui multiplie les expositions toute l’année : street art, jeunes artistes ou stylistes, métiers d’art, événements montés avec les marques comme jusqu’au 3 septembre « Le sweet art Ladurée » qui allie art et gourmandise. Il était naturel que la rencontre se fasse un jour avec les Arts décoratifs, sous l’impulsion de la directrice de la Vallée Village, Emmanuelle Delanoë, elle-même amateur d’art, musicienne et mécène engagée. Ainsi, à l’occasion d’une ambitieuse opération de relations publiques, la dirigeante avait-elle choisi d’investir le Grand Palais, disséminant quelques instrumentistes de l’orchestre Le Balcon dans les salles alors aux couleurs de la portraitiste Élisabeth Louise Vigée Le Brun.
par Martine Robert
 

 

 

« La Biennale Paris »,
du 11 au 17 septembre 2017. Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e. Ouvert de 11h à 21h, nocturne jusqu’à 23h le mardi 12 et le jeudi 14 septembre. Tarifs : 35 et 20 €. www.biennale-paris.com

 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°704 du 1 septembre 2017, avec le titre suivant : Biennale des antiquaires, la confiance au défi

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