Foire & Salon

ART CONTEMPORAIN

Artissima, hors des sentiers battus

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 646 mots

TURIN / ITALIE

La 24e Foire internationale d’art contemporain turinoise assoit sa réputation de tête chercheuse en confiant des stands à des commissaires invités.

Turin. Dans les allées du bâtiment qui fait face au Lingotto de la Fiat, elle était de toutes les conversations. Il tarfufo bianco, dont les parfums subtils accompagnent à merveille un vieux Barolo. « Venir en novembre à la saison de la truffe blanche d’Alba plaît beaucoup aux collectionneurs internationaux », reconnaît Ilaria Bonacossa, critique d’art et commissaire d’exposition, directrice de la foire pour la première fois. Fins connaisseurs, les Italiens ne manqueraient pour rien au monde ce rendez-vous. Les étrangers, suisses, français ou sud-américains, collectionneurs, galeristes mais aussi directeurs d’institution et commissaires convergent eux aussi volontiers à l’automne vers l’ancienne capitale italienne.

Lorsque naît Artissima, relativement peu de foires d’art contemporain existent dans le monde. D’emblée, elle s’impose avec une dimension curatoriale forte, qui constitue aujourd’hui son identité. « Chaque directeur l’a un peu transformée selon ses inclinations, constate son actuelle directrice. Ma volonté est de la rendre plus expérimentale, orientée vers la découverte. Les artistes qui commencent doivent avoir la possibilité de se faire connaître quelque part. Artissima a la capacité d’inviter des galeries internationales qui font ce travail de défrichage, de révélateur de talents. » Une liberté de proposition encouragée par l’absence de pression financière. La foire appartient à la Fondation Torino Musei. Elle est organisée avec le soutien de trois institutions qui détiennent la marque : la Fondation pour l’art moderne et contemporain CRT, la banque San Paolo et la chambre de commerce de Turin. Ce statut permet d’expérimenter, de prendre des risques, avec une vocation prospective. Le rayonnement culturel de la ville, les retombées économiques à l’échelle de la région priment sur la rentabilité à court terme. Les galeries n’en enregistrent pas moins de belles transactions. Jusqu’à il y a quatre ou cinq ans, Artissima passait pour être une très belle foire mais où il était difficile de vendre. La manifestation a depuis développé un programme VIP très actif. Ses collaborateurs voyagent toute l’année, allant au-devant des collectionneurs. Lesquels répondent désormais présent, profitant de l’occasion pour visiter musées et collections privées. Cette année étaient présentés : Gilberto Zorio et Cécile B. Evans au Castello di Rivoli, Tony Oursler à la Pinacoteca Giovanni e Marella Agnelli, Carlos Garaicoa à la Fondation Merz, Uriel Orlow au Parco Arte Vivente ou encore Hito Steyerl, Barbara Kruger, Liam Gillick et Sanya Kantarovsky à la Fondation Sandretto Re Rebaudengo.

À Turin, avec 80 galeries nationales pour 126 étrangères, l’art italien est chez lui. Pour autant, la foire s’inscrit dans le circuit des grands rendez-vous internationaux. 52 000 visiteurs ont fréquenté cette édition organisée du 3 au 5 novembre, dont plus de 300 commissaires et directeurs de musées.
 

Des « collectionneurs visionnaires »

Les retours étaient excellents sur les stands de la nouvelle section « Disegni » consacrée au dessin. Chez Lia Rumma (Milan), les dessins de Vanessa Beecroft avaient trouvé acquéreurs, ainsi que ceux d’Ulla von Brandenburg chez l’allemande Produzentengalerie (entre 11 000 et 17 000 €). Chez In Situ-Fabienne Leclerc (Paris), franc succès pour le solo show de Mark Dion, dont les œuvres sont parties entre 3 000 et 5 000 euros, jusqu’à 18 000 euros pour un grand ichthyosaure (2003). Échos positifs également dans la section principale, comme dans les parties consacrées aux galeries émergentes, aux éditions et multiples, aux confrontations entre artistes, aux talents émergents et aux redécouvertes d’artistes actifs dans les années 1980. Dans cette dernière section, Loevenbruck (Paris) s’est vue décerner le 5e Prix de la Fondation Sardi pour son accrochage des anagrammes historiques de Jean Dupuy, reconstitution de l’exposition de la galerie Emily Harvey à New York en 1988. « Artissima est un endroit où viennent des collectionneurs visionnaires et courageux, prêts à investir sur de jeunes artistes, des aventures singulières, résume Ilaria Bonacossa. Pour susciter la curiosité et l’envie, la foire doit surprendre. » Objectif réussi.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Artissima, hors des sentiers battus

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