Foire & Salon

TÉMOIGNAGES

Art Basel par ceux qui la font

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2017 - 983 mots

La participation à la plus grande foire d’art contemporain laisse souvent des souvenirs impérissables. Déconvenues, difficultés, belles surprises, drames et anecdotes, des galeristes se souviennent…

Bâle. Depuis sa 44e édition en 2013, Art Basel a introduit une nouveauté dans le catalogue que la foire publie chaque année. Signe d’une volonté d’asseoir sa légitimité culturelle, l’ouvrage intègre désormais des informations relatives à l’histoire de la foire en s’appuyant sur des témoignages de galeristes. À son tour, le Journal des Arts a interrogé ces derniers sur le pire et le meilleur souvenir qu’ils gardent de leur participation à Art Basel.

Présente depuis l’ouverture de la foire et n’ayant jamais raté aucun rendez-vous, la Galerie Lahumière (Paris) se remémore cette première expérience avec une certaine émotion. Anne Lahumière raconte avec amusement : « Mon mari m’avait proposé de fabriquer le stand (c’était une époque où cela se faisait), pour accueillir la longue suite de Jean Dewasne composée de 14 planches. Mais à l’ouverture du Salon, pour le vernissage, nous n’étions toujours pas prêts… De plus, cette même année, nous avions décidé de présenter une série d’estampes du même artiste. Mais au moment du passage en douane à Mulhouse, les fonctionnaires n’ont rien trouvé de mieux que de tamponner chaque planche, qui reçurent en outre un double tampon par effet de transfert d’encre ! » Cette première participation demeure pourtant auréolée de l’excellent souvenir du « passage sur le stand du directeur du musée de Berne qui a découvert là l’œuvre de Jean Dewasne et qui en a beaucoup parlé autour de lui, conduisant à de nombreux achats par des collectionneurs ».

Exercice d’équilibrisme
La rencontre avec un collectionneur ou certaines ventes effectuées à Art Basel constituent souvent les souvenirs les plus réjouissants pour un galeriste. « Mon meilleur souvenir, confie Jocelyn Wolff (Paris), c’est lorsque j’ai vendu à Antoine de Galbert, dans les premières années, une installation de Clemens von Wedemeyer […]. Je n’ai pas vraiment de mauvais souvenir à Bâle, sinon celui de me rendre compte, lors de ma première participation à la foire dans la section “Statements”, que d’autres galeries vendaient dans la section principale des artistes que j’avais contribué à faire émerger. »
Pour Valentina Volchkova, directrice de Pace Gallery à Paris, « le meilleur souvenir reste le moment où nous avons recommencé à travailler avec Robert Rauschenberg – qui était parti chez Gagosian. C’était il y a deux ans. Nous pensions qu’il faisait partie de l’histoire mais nous n’imaginions pas que nous allions rencontrer sur la foire un tel succès avec ses œuvres ». Plus désagréable, « il y a trois ans, nous avions décidé d’exposer Lee Ufan d’un côté du stand et, de l’autre, Claes Oldenburg comme deux petites expositions. Ce fut une grosse erreur stratégique car les collectionneurs n’attendaient pas de nous une exposition ».

Mehdi Chouakri (Berlin) se rappelle quant à lui d’une vente exceptionnelle : « Lors de notre premier “Statements”, nous avons bien vendu [l’œuvre de] Monica Bonvicini, qui n’est pourtant pas une artiste facile. » Mais pour ce galeriste, Art Basel reste à jamais marquée par le décès d’un confrère allemand, Rudolf Kicken, le jour même de l’inauguration. « Depuis, je pense à lui lors de chaque édition d’Art Basel. »

Certaines galeries aujourd’hui établies rapprochent leur première participation d’un exercice d’équilibrisme. David Juda, fondateur d’Annely Juda Fine Art (Londres), était présent dès 1971  : « Nous ne savions pas comment nous allions payer notre stand alors que nous proposions un solo show consacré à Christo. C’est un très mauvais souvenir. Mais c’est aussi notre meilleur souvenir, car nous avons fait un “sold out” le soir même de l’ouverture ! »

Pour Florence Bonnefous, de la galerie Air de Paris (Paris), le « pire souvenir, c’est lorsque j’ai dû annuler ma participation en raison d’une catastrophe financière à la suite d’une participation totalement ratée à Art Brussels. C’était dans les années 1990. Nous étions une toute jeune galerie. Nous n’avons pas réussi à honorer notre engagement. Heureusement, nous avons été très vite pardonnés ». Quant au meilleur souvenir : « C’est de continuer chaque année à faire la foire ! »

C’est une expérience similaire que confie Olivier Antoine, de la galerie Art : Concept (Paris), « lors de ma première participation à Art Basel, au début des années 1990, je me suis vu refuser l’accès ; faute de moyens, je n’avais pas réglé les frais de stand avant mon arrivée ». Un mauvais souvenir compensé par de très bons, en particulier « lorsque nous avons remporté le Bâloise Art Prize avec le photographe belge Geert Goiris en 2009 ! »

Parfois, l’entrée à Art Basel dans la section « Galleries » élude ces tentatives infructueuses. C’est le cas pour Franck Prazan (Paris) : « Le pire souvenir à propos d’Art Basel s’est répété quinze fois de suite, au moment où, en décembre de chaque année, j’apprenais que nous n’avions pas obtenu de stand dans la section “Galleries”…  Le meilleur, après seize tentatives infructueuses, je vous laisse le concevoir… »

Le montage d’une foire se révèle semé d’embûches. Solène Guillier, de gb agency (Paris), relate « un terrible souvenir, le cri déchirant, retentissant dans toute la halle, nous glaçant tous d’effroi, d’une personne blessée par la chute d’une sculpture monumentale lors de sa mise en place. Chaque année, d’incroyables prouesses techniques sont mises en œuvre pour présenter l’art dans les meilleures conditions possibles ». En revanche, « un des très beaux souvenirs est l’année 2008 où nous avons pu expérimenter le croisement des univers narratifs de Dominique Petitgand et Mac Adams ». Isabella Bortolozzi (Berlin) a connu quelque mésaventure, en constatant que l’équipe de nettoyage avait balayé les cendres qui avaient été placées sur une œuvre de David Hammons. « L’efficacité à la Suisse !!! », s’amuse-t-elle. Mais ses participations à « Unlimited » avec Danh Vo, Oscar Murillo et Wu Tsang restent des moments inoubliables.

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<b>Légende Photo :</b><br />
Olivier Antoine, <a  data-cke-saved-href=galerie Art Concept. © Photo : Claire Dorn, courtesy Art : Concept, Paris.

     

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Art Basel par ceux qui la font

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