Foire & Salon

Art Basel ferme ses portes dans l’effervescence

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2019 - 882 mots

BÂLE / SUISSE

La 49e édition d’Art Basel embrassait l’art des XXe et XXIe siècles avec un appétit qui ne s’est pas démenti. Preuve que le marché est toujours très actif, bien qu’il fonctionne en circuit fermé.

Bâle. De l’avis quasi unanime, la sélection 2019 d’Unlimited à Art Basel signée Gianni Jetzer, commissaire associée au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington, était, cette année, décevante : 75 projets à grande échelle produits par les marchands à des coûts souvent exorbitants, excédant par leurs dimensions ou leur dispositif les limites de ce que peut montrer un stand, pour un résultat jugé peu aguichant. Ne serait-ce pas révélateur d’une certaine lassitude vis-à-vis de ses grands-messes de l’art ? À première vue pourtant, rien de tel ne se laissait sentir dans la ruche bruissante d’Art Basel où les transactions, dès son ouverture le 11 juin, sont allées bon train. « Bâle constitue toujours une plateforme essentielle pour notre galerie, car les grands collectionneurs, les directeurs de musée et les commissaires d’expositions viennent sur notre stand. La foire se concentre à la fois sur l’art moderne et l’art contemporain pointu, ce que reflète notre programmation avec des artistes émergents et en milieu de carrière, ainsi que des maîtres modernes », déclarait Almine Rech-Picasso, propriétaire de la galerie Almine Rech, présente à Bruxelles, Paris, Londres, New York et Shanghaï. La galerie aurait ainsi vendu « des œuvres de Miquel Barceló, Tom Wesselmann, Nathaniel Mary Quinn, Günther Förg, Allen Jones… à de prestigieuses collections du monde entier ». Même témoignage positif chez Natalie Serroussi ou encore Perrotin, qui communiquait dès le premier jour sur un « très bon démarrage », signalant plus de quarante ventes concernant « presque tous ses artistes ». Quant à Georges Mathieu, dont Perrotin assure désormais l’estate en collaboration avec la galerie Nahmad Contemporary, il aurait fait l’objet de six ventes dès les premières heures. De 20 millions de dollars pour Versammlung (1966), de Gerhard Richter, chez David Zwirner à 1,3 million de dollars pour Red Hot Deal (2012) de Kerry James Marshall chez Jack Shainman en passant par un Mark Bradford de 2002 pour 3,5 millions à la galerie Mnuchin, la satisfaction semblait partagée, du moins officiellement. L’affluence d’ailleurs était telle, les deux premiers jours, que deux vigiles sécurisaient les 21 sculptures en métal galvanisé de Donald Judd disposées sur le sol de la galerie Anthony Meier, afin que les gens ne les piétinent pas. Et tandis que les grandes enseignes se félicitaient de leurs succès, les autres affichaient un contentement de rigueur, car on ne vient pas à Bâle pour y faire mauvaise figure.

Les chefs-d’œuvre sur le devant de la scène

Le secteur principal offrait, particulièrement au rez-de-chaussée, son lot de trophées d’artistes du XXe siècle, avec des tableaux signés Picasso, Chagall, Magritte… sur les stands, entre autres, de la galerie Thomas ou de sa consœur québécoise Landau Fine Art. Du « bold, brilliant, big », ainsi que le résumait dans une sorte de manifeste le Parisien Frank Prazan, qui réunissait pour sa part, sur un périmètre où elles semblaient un peu à l’étroit, de grandes toiles de Nicolas de Staël, Jean Fautrier (*), Pierre Soulages… C’est également au rez-de-chaussée que l’on trouvait le marchand Larry Gagosian, plus que jamais omniprésent cette année avec une adresse éphémère « pop up », appelée à être pérennisée, ouverte dans le centre-ville, cinq installations à grande échelle sur Unlimited, et sur le stand duquel trônait une des versions (Magenta/Gold) de l’énorme cœur rutilant Sacred Heart de Jeff Koons, par ailleurs peu visible sur la foire. Juste à l’étage au-dessus et comme aux antipodes, The heart of darkness, (2015) sculpture minimaliste d’Abraham Cruzvillegas en pierre, bois, verre, brique, cuivre, PVC et papier, figurait, quant à elle, sur le stand de la galerie Chantal Crousel.

Un exemple du grand écart de registres que produit le spectre très riche de plus de deux cents galeries de haut niveau réunies par cet événement ? Peut-être plutôt un des nombreux indices que l’air du temps n’est plus tout à fait au pop, ni au kitsch. Si les œuvres de nombreux artistes vus à Venise ou dans de grandes expositions, tel que Rudolf Stingel, étaient aisément reconnaissables et récurrentes sur la foire, celles de Georg Baselitz y comptaient parmi les nouvelles valeurs sûres, légèrement sur-représentées. La galerie Thaddaeus Ropac a ainsi vendu deux peintures de l’artiste allemand, Kalmückentempel, (2010) et Signora Kraut, Signora cavolo, (2019), pour respectivement 1 million et 1,5 million d’euros, ainsi qu’un bronze de 2013, Marokkaner (1,75 M€). À noter également le fort contingent d’artistes italiens, tels que Alberto Burri, Janis Kounellis, ou encore Alighiero Boetti, dont trois « Mappe » auraient été acquises sur le stand de Tornabuoni Art pour des prix allant de 1,5 à 2,5 millions d’euros. Que les œuvres aient donné lieu à une réservation en amont par téléphone ou que leur vente se conclue sur le stand, une fois la transaction établie, les prix circulent à peu près librement. Il n’en va pas de même avant, la plupart des marchands se montrant réticents à communiquer les prix aux simples amateurs. Le marché fonctionne en réseau, pour ne pas dire en circuit fermé, et il faut montrer patte blanche.

ERRATUM - 20 JUIN 2019

(*) Dans notre parution Le Journal des Arts n°526 datée du 21 juin 2019, nous avons écrit par erreur « Michel Fautrier » au lieu de « Jean Fautrier »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°526 du 21 juin 2019, avec le titre suivant : Art Basel ferme ses portes dans l’effervescence

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