Art non occidental - Galerie

ENTRETIEN

Alain Lecomte : « Il y a un âge où il faut savoir se retirer tranquillement du métier »

Galeriste d’art tribal africain

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 15 février 2023 - 748 mots

PARIS

Après trente ans de carrière, le marchand d’art tribal africain a vendu sa galerie de la rue des Beaux-Arts à Paris. Pour autant, il ne se retire pas complètement des affaires.

Alain Lecomte. © Mario Epanya
Alain Lecomte.
© Mario Epanya
Vous vous êtes séparé de votre galerie en septembre dernier. Quelle en est la raison ?

La raison profonde, c’est que le choc du Covid-19 m’a fait prendre conscience de l’importance de vivre. J’ai 73 ans ! Autour de moi, j’ai vu un nombre incalculable de personnes avec de graves problèmes de santé et certaines sont malheureusement décédées. Il y a un âge où il faut savoir se retirer tranquillement du métier, alors j’ai pris cette décision il y a deux ans.
J’ai commencé le métier de marchand sur le tard, vers quarante ans. Enfant, j’étais fasciné par les objets que mon parrain ramenait du Gabon. Quand j’ai commencé à gagner ma vie, j’ai acheté des objets, des livres et j’ai beaucoup voyagé en Afrique, dans les villages, au contact des gens pour mieux apprendre. Mais surtout, il y a eu Arts d’Afrique noire, de Raoul Lehuard, ses publications étaient, et sont toujours, une mine de savoir et d’enseignement. Il avait le mérite d’être un homme intègre et passionné, j’ai tout appris de lui et lui en sais gré. J’ai donc commencé à comprendre à quoi étaient destinés ces objets et mon enthousiasme a décuplé. J’ai débuté en vendant aux marchands, puis j’ai fini par quitter mon travail et racheter la galerie d’Alain Schoffel, rue Guénégaud, en 1998. J’y suis resté dix-sept ans, avant de m’installer, en 2015, rue des Beaux-Arts.

Vous arrêtez-vous complètement ?

Non, je vais continuer de participer à quelques salons, comme Paris Tribal en avril et bien sûr, le Parcours des mondes en septembre. Et peut-être d’autres salons généralistes en Europe. Je présenterai des pièces que je n’ai jamais sorties. J’aime ce métier passionnément : les collectionneurs sont des gens extraordinaires, ils vivent dans leur monde de passion et vous le font partager.

Mais il va falloir trouver des pièces…

Depuis que je n’ai plus ma galerie, j’ai pu voyager et visiter des collections privées en Europe. J’ai eu ainsi la chance de trouver de belles pièces. Je le faisais déjà avant mais, maintenant, j’ai le temps. Le problème avec une galerie, c’est qu’il faut être présent sinon les clients se plaignent que vous êtes toujours fermé. Si c’est ouvert mais que vous mettez quelqu’un pour y travailler à votre place, on demande après vous…

Et en même temps, il y a moins de passage…

Oui. Depuis dix ans, chaque année, il y a un peu moins de monde. Mais voir beaucoup de monde n’est pas pour autant synonyme de vente.

Comment se porte le marché de l’art tribal ?

En tant que marchand, je voudrais toujours plus et je m’impatiente dans les moments creux. Mais quand je fais le bilan de fin d’année, je m’aperçois que ce n’est pas si mal. Quand on voit les résultats des ventes aux enchères en art tribal, des records sont battus chaque année. Il y a de nouveaux acheteurs qui arrivent sur notre marché, pas forcément des collectionneurs d’art tribal, mais plutôt des gens qui sont désireux d’avoir quelques pièces originales dans leur environnement. Ces personnes viennent de tous les horizons mais surtout de l’art contemporain. Nous avons déjà connu cela, il y a longtemps avec l’art moderne. Voilà la grande différence. En tout cas, je continue de croire à ce marché, les pièces rares seront toujours convoitées.

Vous l’avez souvent dit : il n’y a pas de renouvellement de la clientèle…

Oui, parce que pour les jeunes, ce n’est pas facile ! Et le renouvellement passe par eux. Dans toutes les branches d’activités, il faut une relève. Beaucoup d’étudiants passent dans nos galeries : nous voyons qu’ils s’intéressent à nos objets, à leur histoire. Ils posent des tas de questions et c’est un plaisir de leur répondre. Je leur souhaite d’avoir un bon métier plus tard pour assouvir leur passion.

Au Parcours des mondes, est-ce plus compliqué aujourd’hui ?

Le problème principal pour les marchands, c’est de trouver les pièces. Quand on fait le Parcours, il faut vraiment fournir un gros effort pour se démarquer et proposer une bonne thématique. Encore faut-il la trouver. Sinon, c’est difficile.

Est-ce que la question des restitutions des œuvres africaines a eu des répercussions sur votre activité ?

Non. En tout cas, je n’ai pas perdu de clients. Pour autant, je n’y suis pas indifférent et cela me préoccupe.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : Alain Lecomte, galeriste d’art tribal africain : « Il y a un âge où il faut savoir se retirer tranquillement du métier »

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