La consultation européenne sur l’harmonisation du droit d’auteur

Par Marion Le Bec · lejournaldesarts.fr

Le 17 mars 2014 - 837 mots

PARIS [17.03.14] – Quelques semaines avant l’ouverture du Forum de Chaillot, sur les enjeux de l’Europe et de la culture, et les élections au Parlement européen, le ministère de la Culture et de la Communication a répondu à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur.

La Commission européenne a lancé une consultation à l’échelle communautaire dans le but d’établir un rapport sur l’application de la directive de 2001 sur le droit d’auteur et droits voisins. Elle envisage une refonte du régime juridique européen par une harmonisation des droits nationaux des Etats membres. Aurélie Filippetti a ainsi communiqué la réponse de la France aux modifications envisagées par la Commission européenne.

La consultation publique des Etats membres de l’Union et aux autres parties les invite à donner leur point de vue sur la territorialité dans le marché intérieur, l'harmonisation du droit d’auteur, les limites et exceptions au droit d’auteur à l’ère numérique et les moyens « d’améliorer l’efficacité et l’efficience des mesures visant à assurer le respect de ce droit, tout en renforçant la légitimité de ces mesures dans le contexte plus large de la réforme du droit d’auteur ».

Une des questions posées au sein de la consultation interroge ainsi : « pensez-vous que d'autres mesures (législatives ou non législatives, y compris des solutions axées sur le marché) sont nécessaires au niveau de l'UE pour accroître l'offre transfrontalière de services de contenu sur le marché unique, tout en assurant un niveau de protection adéquat pour les titulaires de droits? ». L’harmonisation ici sous-entendue du régime de protection des droits a trouvé un écho défavorable de la part de la ministre de la Culture. S’appuyant sur le principe de territorialité qui régit le droit de la propriété intellectuelle, elle contredit l’idée d’un droit supranational puisque « ce principe se fonde sur l’analyse des caractéristiques du marché, lui-même correspondant à des réalités culturelles, historiques et linguistiques diverses ».

Il y a donc ici revendication de caractéristiques propres à chaque Etat membre dans la protection juridique de la création de biens culturels. La ministre de conclure sur cette question qu’en conséquence « il convient de laisser au marché le soin de mettre en place les nouveaux modèles d’économie avant d’envisager toute mesure législative sur la question ».

Par ailleurs, Aurélie Filippetti tient à rappeler que la base actuelle du droit européen en matière de droit d’auteur est la directive 2001/29/CE qui laisse une place certaine à l’adaptabilité des droits nationaux aux enjeux de marché des industries culturelles dans le domaine du numérique.

L’objectif de la consultation sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information est « d’adapter la législation aux évolutions technologiques et particulièrement à la société de l’information et transposer les principales obligations internationales découlant des deux Traités sur le droit d’auteur et les droits voisins, adoptés dans le cadre de l’Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI) en décembre 1996, au niveau communautaire ».

La directive de 2001 repose néanmoins sur le principe de subsidiarité entre le droit des Etats membres et le droit européen. En vertu de ce principe, l’Union européenne ne peut intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les États membres sur certaines questions de droit. Les Etats sont donc pleinement compétents pour mettre en œuvre les mesures de la directive et adapter le droit national au marché. Les autorités françaises mettent, à cet égard, l’accent sur le fait que cette directive pose une liste facultative d’exceptions à ses propres dispositions afin de répondre à « une approche fonctionnelle du droit d’auteur et des droits voisins qui est nécessaire afin de correspondre aux besoins tant des marchés nationaux que du marché intérieur ».

Au lieu d’une harmonisation totale du droit d’auteur et des droits voisins, les autorités françaises souhaiteraient, par exemple, une harmonisation des définitions, notamment de la notion d’auteur. A contrario, « l’établissement d’un cadre unitaire pour le droit d’auteur à l’échelon européen ne saurait constituer une priorité pertinente. En effet, les traditions juridiques au sein des Etats membres ne permettent pas d’envisager aujourd’hui une démarche en ce sens ». De plus, les enjeux de diversité culturelle ne seraient que trop peu appréhendés par la Commission qui n’envisage pas l’incidence de la protection du droit d’auteur sur la création, « l’accès au savoir et à la culture et toutes les formes d’innovation ».

Il est à rappeler, dans ce contexte, qu’en novembre 2013, la Commission européenne clôturait un débat sur la portabilité transfrontière, via le thème « Des licences pour l’Europe ». L’objectif de ce débat tendait vers la concession de « micro licences multiterritoriales en un clic » afin de permettre une utilisation plus aisée des contenus numériques aux citoyens européens. Dans cette logique, suite à la concession de licences collectives, la Commission souhaitait dans le même temps aligner les aménagements nationaux afférents au droit d’auteur et droits voisins, dans une logique de marché unique du numérique.

Légende photo

Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication - © Photo Fondapol - 2009 - Licence CC BY-SA 2.0 

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