Mécénat

Des dons aux musées

Aux États-Unis, une autre façon de gérer

Par David d'Arcy · Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 839 mots

Alors qu’au début des années quatre-vingt-dix, beaucoup d’entreprises américaines ont été contraintes de vendre leurs collections d’œuvres d’art, elles ont aujourd’hui stoppé l’hémorragie, sans doute jusqu’à la prochaine phase de récession de l’économie. Elles ont en effet trouvé un moyen plus avantageux de gérer les œuvres dont elles veulent se débarrasser : elles les donnent aux musées.

Le don d’œuvres au musée présente de nombreux avantages. Les déductions d’impôts sont parfois d’un montant supérieur à la valeur des pièces si elles étaient vendues, et les retombées médiatiques sont généralement plus positives. La dernière vague de ventes a eu lieu en partie sous la pression des actionnaires qui remettaient en question l’intérêt pour les grandes compagnies d’acheter et de posséder des œuvres d’art. Ces cinq dernières années, IBM et ALCOA ont ainsi vendu leur collection, la vente d’IBM ayant eu lieu juste après que la compagnie eut supprimé des milliers d’emplois. Il y a deux ans, pour faire face à la chute de la valeur de son action, le Reader’s Digest a dispersé pour près de 90 millions de dollars de tableaux chez Sotheby’s. Tous comptes faits, ces ventes n’ont quasiment pas eu d’impact sur les résultats financiers de ces groupes. Aujourd’hui, l’économie a retrouvé une phase de prospérité et les entreprises n’ont plus besoin de vendre.

La donation qui a fait le plus de bruit, est le Millenium Gift (“don du millénaire”) fait par Sara Lee Corporation qui fabrique des pâtisseries à Chicago. La plupart des cinquante-deux tableaux impressionnistes et postimpressionnistes, d’une valeur de 100 millions de dollars, faisaient partie de la collection de Nathan Cummings, un homme d’affaires qui achetait à l’instinct et qui, dans les années soixante-dix, avait en vain essayé de les placer au Metropolitan Museum of Art de New York. Aujourd’hui, les œuvres sont réparties entre l’Art Institute de Chicago, le Museum of Fine Arts de Boston, et le Metropolitan. John Bryan, le PDG de Sara Lee, souligne que le but de cette opération était de “se comporter en entreprise citoyenne responsable. En regardant son passé, vous verrez que ce don s’inscrit dans une tradition de contribution à la vie de la communauté au sein de laquelle nous faisons des affaires. Le second objectif est de croire que l’art peut être une force positive dans la société”. De plus, poursuit John Bryan, le marché de l’art est à nouveau prospère ces dernières années et “après le marasme du début des années quatre-vingt-dix, sans le vouloir, nous nous sommes retrouvés à travailler dans des bureaux décorés par des biens d’une valeur extravagante, ce qui était une situation contestable. Cette prise de conscience nous a poussés à l’action”. John Bryan reconnaît que les tableaux auraient atteint aux enchères des prix inaccessibles pour la plupart des musées. D’un autre côté, l’impôt sur les plus-values après la vente aurait été bien supérieur à la déduction fiscale obtenue du fait du don. La donation Sara Lee est unique par sa taille et sa valeur, mais d’autres institutions ont été enrichies par ce biais. En 1989, Le Metropolitan Museum a gardé quatre cents photographies de son exposition “The New Vision”. Les œuvres avaient été réunies par John Waddell puis données au musée par ce dernier et la Ford Motor Company.

Un intérêt imprévu de la Tate et du MoMA
Au début de cette année, la Norton Family Foundation (fondée par Peter Norton, le spécialiste en informatique qui a fait fortune grâce à Norton Utilities) a donné un millier d’œuvres d’art contemporain à vingt-neuf musées, de la Tate Gallery au MoMA, en passant par les plus modestes Orange County Museum et Oakland Museum of Art. Les dons, présentés par ensembles thématiques, visaient à renforcer des petites institutions en manque de budget d’acquisition, comme l’explique Peter Norton. Il avait fait une affaire en achetant à l’État de Californie, et pour plus d’un million de dollars, une collection ayant appartenu à Clyde Beswick. La fortune de ce propriétaire d’une entreprise de routage postal et mécène de plusieurs musées et artistes de Los Angeles, s’était en effet révélée être constituée de fonds escroqués à ses partenaires. L’État de Californie a alors saisi sa collection, le condamnant à une année de prison. Pressé de vendre des biens dont il n’avait que faire, l’État a trouvé un acquéreur en Peter Norton, à qui il les céda à un prix relativement bas car il achetait la collection entière. Norton et Beswick avaient collectionné les mêmes artistes (John Currin, Catherine Opie, Raymond Pettibon, etc.), aussi l’idée de se défaire d’œuvres mineures ou en double sembla naturelle à Norton. Ce dernier avait à l’origine pensé destiner ces œuvres à des musées régionaux ou universitaires, mais la Tate et le MoMa manifestèrent un intérêt imprévu.

Les donations des entreprises sont encore trop rares pour constituer une tendance. Les dirigeants rechignent à discuter de l’avenir des collections de leur société ou même à laisser photographier leurs œuvres, par discrétion, souci de sécurité ou crainte des actionnaires. Sans connaître leur teneur, il est difficile de prévoir quelles pièces arriveront un jour au musée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Des dons aux musées

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