Art contemporain

Art Paris peut-elle devenir une foire crédible ?

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 13 avril 2016 - 749 mots

En dépit de ses efforts, le salon parisien ne parvient toujours pas à offrir une image et une qualité homogènes. Après les espoirs suscités par l’édition 2015, 2016 a déçu.

PARIS - Un pas en avant, deux pas en arrière…, voilà la fort désagréable sensation délivrée par la dernière mouture du salon Art Paris Art Fair, dont la 18e édition s’est tenue du 31 mars au 3 avril. Alors que 2015 avait montré une foire qui, sans atteindre la perfection, avait nettement gagné en homogénéité, 2016 est revenue à un niveau où les écarts de qualité étaient de nouveau criants. « C’est confus ! », s’exclamait ainsi une amatrice visiblement un peu perdue lors du vernissage, face à une profusion visuelle des plus désordonnées.

La stratégie assumée et défendable qui consiste à proposer une offre différente et différenciée de celle des autres salons internationaux, tournée vers d’autres territoires et d’autres types de galeries ou d’initiatives, ne doit pas laisser agglomérer tout et n’importe quoi, sensation qui ressort au final de la visite.

La question se pose désormais de savoir si Art Paris Art Fair parviendra jamais à devenir une manifestation crédible, tant les écarts qualitatifs abyssaux dans son offre finissent par interroger sur sa structure et son modèle.

La tenue simultanée de quatre manifestations à Paris – avec le Salon du dessin, Drawing Now et le PAD, les deux premiers de bonne tenue –, entre lesquelles la circulation des amateurs a bien fonctionné, justifie pleinement l’existence d’un salon d’ailleurs bien installé dans le paysage et qui a son public. Mais si Art Paris peut à juste titre s’enorgueillir d’avoir été la première à intégrer l’écrin majestueux qu’est le Grand Palais, celui-ci lui coûte cher et la manifestation se voit obligée de le remplir – parfois par défaut manifestement – afin d’assurer sa viabilité économique. Ce tandis que les alternatives ne sont pas légion : le Carrousel du Louvre est déprimant, et que dire du parc des expositions de la porte de Versailles ?

Fausses « Promesses »
Plus préoccupant, Art Paris Art Fair ne parvient plus à attirer certains acteurs dynamiques, jeunes comme Semiose, de taille moyenne comme Laurent Godin, ou très installés comme Lelong, qui pourraient agir tels des catalyseurs. Croisé dans les allées, un jeune galeriste parisien qui avait apprécié l’édition 2015 et avait hésité à participer cette année confiait être heureux finalement de ne pas en être. La teneur globale du secteur « Promesses » ne pouvait l’y encourager en effet.

Le commerce s’est révélé cette année assez mou, même s’il a repris un peu de vigueur au cours du week-end et que certains marchands se sont montrés satisfaits, à l’instar de Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles), qui a cédé une quinzaine d’œuvres au total et déclarait : « Je ne conçois jamais Art Paris comme une foire de fonds de tiroir, mais veux y faire des stands de qualité. »

Le contexte sécuritaire ambiant n’a pas aidé la manifestation, qui avec près de 53 000 visiteurs a pâti d’une baisse de 5 % de sa fréquentation globale, étrangère en particulier. Une contingence que les organisateurs vont devoir prendre sérieusement en compte, tant il paraît inéluctable que le rythme de voyage des amateurs vers certaines foires va se ralentir, ce qui pourrait inciter à aiguiser toujours plus l’intérêt d’une clientèle locale.

De belles propositions étaient cependant notables sur le salon, à l’exemple du magnifique mur de dessins des années 1950 du Japonais Shozo Shimamoto chez Giangaleazzo Visconti (Milan) présent pour la première fois. Ou encore de l’accrochage de Najuma (Marseille) dominé par des sculptures de César des années 1980, voire du solo show bien pensé de Damien Cabanes chez Éric Dupont (Paris). Il ne fallait pas manquer non plus la remarquable presque mini-rétrospective de Geneviève Claisse proposée par Fleury (Paris) ou, chez De Primi Fine Art (Lugano), les formidables tableaux faussement naïfs du Japonais Sadamasa Motonaga déployant des éléments d’un monde à la fois mental et réel.

Beaucoup de stands néanmoins jouaient des accrochages très serrés afin de maximiser l’espace, au détriment des œuvres et de la tonalité de l’ensemble. Surtout, il apparaît difficilement concevable qu’un comité de sélection admette pour la énième fois les chats de Philippe Geluck chez Huberty & Breyne (Bruxelles, Paris), et des projets aux formes aussi racoleuses et lamentables que ceux de The Kid chez ALB-Anouk Le Bourdiec (Paris) ou Ronald Ventura chez Primae Noctis (Lugano), dont ce n’était pourtant pas la première proposition du même acabit. Regarder ailleurs ne suffit pas !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : Art Paris peut-elle devenir une foire crédible ?

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