Photographie

PHOTOGRAPHIE

Willy Ronis l’enchanteur fait salle comble

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2018 - 802 mots

PARIS

Le photographe humaniste est exposé au Pavillon Carré de Baudoin à Paris. La sélection de ses travaux puise elle-même dans un tri effectué en son temps par Ronis lui-même. Un succès public.

Paris. Quel l’on soit en semaine ou le week-end, le Pavillon Carré de Baudoin ne désemplit pas. On se presse pour visiter « Willy Ronis par Willy Ronis ». Depuis l’ouverture du lieu au public en 2007, aucune exposition n’a rencontré un tel succès : 35 000 personnes en cinq mois – sachant que le niveau de fréquentation est assujetti à la taille réduite des espaces. Aussi, face à l’engouement, la mairie du 20e arrondissement de Paris, gestionnaire du Pavillon, a-t-elle décidé de prolonger l’exposition jusqu’au 2 janvier 2019. Il est vrai que l’on ne se lasse pas de voir et revoir les images de cette grande figure de la photographie du XXe siècle (1910-2009). D’autant que Paris n’a pas accueilli de rétrospective « Willy Ronis » depuis celle organisée par le Jeu de paume à la Monnaie de Paris, six mois après sa disparition.

200 photographies

Après une succession longue et compliquée, le travail scientifique sur le fonds et la diffusion sont désormais facilités. Il y a un an, le Jeu de paume proposait ainsi au château de Tours une rétrospective en association avec la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, gestionnaire de la donation.

« En 2016, le fonds Willy Ronis a fait officiellement son entrée dans les collections nationales, rappelle Gilles Désiré dit Gosset, directeur de la Médiathèque. Quand les opérations de succession ont été réglées, nous nous sommes interrogés sur une rétrospective à Paris pour marquer l’entrée dans les collections de l’État. » Le Grand Palais a été envisagé. Mais l’idée s’est heurtée à la fermeture du lieu pour travaux. « C’est à ce moment-là qu’est arrivé le projet de Gérard Uféras au Pavillon Carré de Baudouin [le photographe Gérard Uféras est l’un des quatre exécuteurs testamentaires et détenteur du droit moral de l’œuvre, NDLR] », précise Gilles Désiré dit Gosset. Le projet revêtait plusieurs avantages : conjuguer une exposition dans Paris, qui plus est dans le quartier de Belleville-Ménilmontant qu’affectionnait tout particulièrement Ronis, et en accès libre. Il rejoignait également le projet déjà engagé par la Médiathèque de publier les six albums photos constitués par le photographe dans le cadre de la donation de son fonds à l’État.

« Willy Ronis par Willy Ronis » puise de fait ses 200 photographies dans les 590 images retenues par le photographe pour figurer dans ces albums, un choix qui lui a permis de définir son œuvre, comme le précisent les deux commissaires de l’exposition, Gérard Uféras et le photographe Jean-Claude Gautrand. En neuf chapitres thématiques, soixante-dix années de création se racontent de manière alerte dans un mélange entre icônes et photographies moins connues voire inédites.

Un goût pour les légendes détaillées

L’exposition entretient l’image du photographe humaniste. Belleville-Ménilmontant, premières photographies, autoportraits, nus, monde ouvrier, Paris ou séjours en dehors de la capitale : chaque section met en avant les dominantes d’un travail passé à la postérité. Scènes de rues ordinaires, de grèves, de cafés ou de bals et portraits disent son art de la composition, du cadrage et du récit, qui font de chaque image un instant de vie pétri d’atmosphères et de vécus encore palpables malgré les décennies écoulées. Le regard toujours bienveillant de Ronis s’attache plus souvent au quotidien du peuple, à ses combats et à ses joies qu’à ceux des nantis. Son attachement à l’humain révèle sa personnalité, ses convictions et engagements politiques. Ronis est un merveilleux conteur de son temps mais aussi de l’intime. Les différents films projetés font entendre sa voix. On y perçoit son goût pour les explications et l’enseignement.

Ce goût se retrouve dans les légendes de l’auteur parfois détaillées qui accompagnent les tirages, dans le cadre de la vaste entreprise qui le conduit à partir de 1985 à revisiter ses archives et légender chacune des photographies sélectionnées. La parution début octobre chez Flammarion de l’ouvrage Willy Ronis par Willy Ronis en donne pour la première fois la mesure. La publication des six albums constitués par le photographe réunis en un seul ouvrage de 600 pages plonge dans le travail introspectif du photographe, dans sa manière de l’envisager, de le mener et de le faire évoluer. Chaque légende est un mini-récit combinant l’histoire de la prise de vue et son aspect technique. L’ensemble forme une autobiographie inédite. Il s’appuie aussi sur le travail de relecture critique inédit de Ronan Guinée, chargé du fonds Ronis à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, et de Matthieu Rivallin, chargé des collections. Textes et annotations en font un socle fondamental pour les études à venir sur Willy Ronis, tandis que la qualité des reproductions et la mise en page valorisent une sélection toute subjective mais, comme le rappelle Ronis, en adéquation à lui-même.

Willy Ronis par Willy Ronis,
jusqu’au 2 janvier 2019, Pavillon Carré de Baudouin, 121, rue de Ménilmontant, 75020 Paris, www.mairie20.paris.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Willy Ronis l’enchanteur fait salle comble

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque