Art contemporain

XXE SIÈCLE

Voir Soulages autrement

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 27 février 2020 - 486 mots

Célébrant le centenaire de Pierre Soulages, l’exposition de Nice réunit autour de ses œuvres celles d’artistes qui ont croisé sa route, tissant un réseau de références.

Nice.À la différence de la présentation hommage du Louvre, la manifestation de Nice reste sobre. Les toiles, sauf une, magnifique – Peinture 162 x 310 cm, 14 août 1979– sont de taille humaine, placées à la hauteur de l’œil. Non pas qu’elles soient peu nombreuses. Au contraire, c’est un mystère de savoir comment les organisateurs ont réussi à réunir dans cet espace étroit, voire étouffant, une telle quantité d’œuvres. Cependant, malgré ou grâce à cette promiscuité, le visiteur entame un dialogue avec chaque peinture. Un face-à-face intime, facilité par les soins exceptionnels réservés ici à la pédagogie. Des panneaux didactiques clairs et précis, des ateliers pour enfants et adultes, et surtout un accrochage qui met en scène les supports et techniques variés employés par l’artiste, tout est fait pour que l’ensemble offre une image complète d’une production picturale qui s’étale sur huit décennies.

Soulages illustre Senghor

L’autre originalité de ce parcours qui privilégie l’œuvre gravée de Soulages – y compris Bronze III (1977), cette « stèle » impressionnante, en réalité une plaque en cuivre utilisée pour le tirage des eaux-fortes, agrandie et polie par l’artiste – réside dans la part attribuée aux travaux imprimés. Outre les affiches, on trouve à l’espace Lympia des illustrations réalisées pour le recueil des poèmes de Léopold Sédar Senghor. On apprend d’ailleurs que, dès 1973, à la demande de Senghor, une rétrospective de l’artiste français s’est tenue à Dakar. Le livre ici exposé, Élégie de Carthage, est décoré par Soulages en collaboration avec d’autres peintres – Maria Helena Vieira da Silva, Hans Hartung, Zao Wou-Ki, Étienne Hajdu et Alfred Manessier – et donne l’occasion de montrer les échanges entre l’inventeur de l’outrenoir et ses contemporains. Une ouverture que l’on retrouve également avec l’attention accordée par Soulages à d’autres cultures, situées dans des périodes souvent éloignées dans le temps ou dans l’espace – une statue menhir préhistorique, des sculptures dogon pour l’art africain. Réunis dans une section nommée par Jean-Gérard Bosio, conseiller culturel et commissaire de l’exposition, « Une collection de regards », ces artefacts mais aussi une gravure de Rembrandt, une toile de Pablo Picasso ou un monochrome d’Yves Klein sont autant de voies d’accès à l’univers de Soulages.

Enfin, pour étudier de près, scruter même chaque œuvre, le visiteur se voit offrir une véritable dissection artistique. Deux photographes, Peter Knapp et Bruno Jarret, décomposent systématiquement en rectangles une toile de 1960, sur lesquels ils zooment. Le résultat, un ensemble de détails photographiés, accrochés côte à côte, est séduisant, car il donne l’impression – l’illusion ? – de pénétrer la matière picturale. Pour autant, quand l’on connaît les débats interminables à travers les siècles sur la juste distance pour regarder un tableau, on peut douter que cette manière de « poser » l’œil sur la surface de l’œuvre soit vraiment pertinente.

Pierre Soulages, la puissance créatrice,
jusqu’au 19 avril, Espace Lympia, 2, quai Entrecasteaux, 06300 Nice.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Voir Soulages autrement

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